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Nietzsche et l'aristocratie
« Le but de toute culture est de former une élite d'hommes indépendants
de toute nature. » (Nietzsche)
Notre but n’est pas d'énumérer
tous les rapprochements entre la philosophie de Nietzsche et les valeurs
qui caractérisaient la Grèce antique, mais si vous vous
intéressez à la pensée de Nietzsche, son aristocratisme,
cela semble utile de connaître ses sources d'inspirations ; c'est
pourquoi nous trouvons un l'intérêt à vous communiquer
ce qui suit afin d'aider vos propres recherches… et de mieux comprendre
comment les lectures influencent la pensée. On ne comprend un problème
que si on y réfléchit bien (texte de JED).
Définition de l'aristocratie
: « gouvernement par les meilleurs » (sens étymologique).
Pour Nietzsche, c'est le dépassement
de l'homme par l'homme qui se distingue, hiérarchie de classe qui
repose sur des rapports de maîtres à esclaves. (Par delà
le Bien et le Mal, IXe partie)
La constitution de Lycurque
Sparte est une
partie essentielle de l'histoire du monde hellénique. Sa constitution
qui a déchaîné les passions au sein de la Grèce
antique inspira de façon certaine la pensée de Nietzsche.
Celui-ci, attiré par tant de curiosités ne souhaitait pas
s'abandonner au dilettantisme et il a par conséquent étudié
la civilisation grecque pour mieux comprendre l'art et la vie, car il
pensait que les valeurs qu'elle défendait permettaient un épanouissement
de l'esprit. Modèle d'une cité aristocratique, Sparte se
caractérise par l'éloge des valeurs telles que le respect,
la discipline, l'austérité et le dévouement à
la " Res plublicae " (chose publique).
Cité mythique
de la Grèce antique, Sparte doit son originalité, sa puissance
à ses institutions établies par Lycurgue au VIIIe
siècle avant J.-C.
1) La société spartiate était profondément
inégalitaire.
Elle présentait trois
types d'individus :
- Les hilotes
- Les périèques
- Les égaux, qui n'étaient autres que les spartiates
Les hilotes étaient
ceux des laconiens que les conquérants doriens avaient réduit
en esclavage. Ils étaient chargés de cultiver les terres
(le kléros) dont les spartiates s'étaient emparé.
Ils vivaient sur ces terres de pères en fils et devaient payer
une redevance annuelle. Ils étaient parfois appelés à
combattre auprès des spartiates. Ils leur étaient possible
de s'affranchir et devenaient des Néodamodes. On leur accordait
alors les droits civils mais pas les droits politiques. Ils ne pouvaient
pas devenir spartiate.
Les périèques
quant à eux avaient gardé leur liberté individuelle
et ils possédaient le sol. Ils étaient incorporés
comme les spartiates dans l'infanterie des hoplites, il pouvait exercer
certains commandements. Par contre, aucun droit politique ne leur était
reconnu. En revanche, il s'adonnaient à un grand nombre d'activités
de commerce. En fin de compte, les périèques formaient la
population active de la Laconie.
En haut de la pyramide,
il y avait les spartiates ; eux seuls étaient citoyens et jouissaient
de toutes les prérogatives politiques rattachées à
ce statut. Ils étaient de race dorienne. Ces droits étaient
héréditaires. Enfin, un spartiate pouvait être déchu
de ses droits politiques s'il ne remplissait pas toutes les obligations
que les lois de Sparte imposaient ou s'il avait manqué à
un de ses devoirs civiques.
2) Organisation politique
Les principaux organes régissant
la vie de sparte étaient :
- les rois
- l'assemblée des vieillards ou Gérousia
- l'assemblée du peuple
- les magistrats
a) les rois
Ce système oligarchique se composait de deux rois.
Ils étaient issus des familles d'Eurypontides et d'Agiades.
Leur pouvoir était surtout religieux et militaire, ils possédaient
une autorité égale. Ils offraient les sacrifices publics
aux grands dieux qu'étaient Jupiter et Apollon, les places d'honneur
leurs étaient réservées dans les cérémonies
religieuses.
Leur personne était inviolable et, lorsque l'un des deux mourait,
toute la cité était en deuil.
De plus, ils étaient les chefs des armées spartiates en
campagne mais ne décidaient ni des déclarations de guerre
ni de la paix.
b) la gérousia
La gérousia était composée de 28 membres auxquelles
se joignaient les deux rois. Pour en faire partie, il fallait être
âgé d'au moins 60 ans, n'avoir commis aucune faute, n'avoir
été ni puni par aucun magistrat ; en un mot, avoir été
un citoyen exemplaire.
C'était l'assemblée du peuple qui désignait par acclamation
les sénateurs. Cette assemblée était l'organe le
plus pesant de l'état, elle dirigeait les affaires publiques. Elle
avait l'initiative de toutes les décisions ; rien ne pouvait se
faire sans elle. Elle jugeait les crimes qui entraînaient les peines
de mort ou la déchéance civique, ou atimie.
c) Assemblée du peuple, ou Démos
L'assemblée du peuple, ou démos, se réunissait
une fois par mois.
Seuls en faisaient partis les égaux. Elle ne pouvait prendre aucune
initiative, elle n'avait qu'à approuver ou à rejeter les
lois déjà prises par les sénateurs.
d) Les magistrats
Le soin d'exécuter les décisions et d'appliquer les lois
votées par la Gérousia et ratifié par le Démos
incombait aux magistrats. Les magistrats les plus importants de l'état
spartiate étaient les éphores. En ce qui concerne leur origine
Hérode les attribue à Lycurgue. Ils étaient au nombre
de cinq, il n'y avait pour leur élection aucune condition d'âge,
ni de rang, ni de fortune.
L'histoire ne nous dit malheureusement pas leur mode d'élection.
Leur pouvoir était considérable, ils surveillaient les rois,
contrôlaient leurs actes, pouvaient les mettre en accusation, les
juger, les condamner à la prison.
Lorsque les rois étaient en campagne, ils étaient toujours
suivis par deux éphores qui les assistaient. Selon Aristote, leur
pouvoir était aussi important que celui des tyrans. On prendra
pour tyran le sens grec du mot « usurpateur », mais ils faisaient
le bien autour d’eux. Aujourd’hui, ce mot a pris un sens péjoratif.
3) Vie publique et privée des spartiates
Dans l'état spartiate
le pouvoir appartient à un nombre restreint de personnes. Au milieu
des périèques et autres hilotes, les spartiates pouvaient
être considérés comme les seigneurs d'une population
assujettie et opprimée.
Toutes les lois qui régissaient
la cité avaient pour but de faire des spartiates des soldats dont
la vie entière était consacrée à l'état.
Dès sa naissance, le spartiate devait être de bonne constitution,
sinon on l'abandonnait au mont Teygète, ou on le précipitait
dans le ravin où il mourrait. Le droit de vivre lui était
accordé s'il était fort et robuste.
Les mères s'en occupaient
jusqu'à sept ans; elles devaient en faire des garçons robustes
capables de résister aux intempéries. A sept ans, l'enfant
était repris par l'état qui lui donnait une éducation
militaire. L'exercice physique y tenait la place la plus importante, le
corps était accoutumé à subir les rigueurs de la
température et les souffrances matérielles les plus vives
(nourriture insuffisante, ils ne dormaient jamais dans un lit mais sur
la paillasse, ils marchaient pieds nus). De plus, chaque année,
ils étaient fouettés devant l'autel d'Artémis, et
ils ne devaient montrer aucun signe de souffrance. On les encourageait
à la ruse et à voler, sous condition qu'ils ne soient pas
surpris. En outre, ils étaient chargés de surveiller les
hilotes contre tout soulèvement. La culture intellectuelle n'y
tenait pas une place importante, en effet, il était rare qu'un
spartiate sut lire et écrire. Seule la musique y tenait une place
importante, non pas pour le coté artistique mais pour entraîner
les jeunes à avoir la cadence. A trente ans, le spartiate avait
terminé son éducation, mais il ne disposait pas de sa vie
; jusqu'à sa mort, il continuait d'appartenir à l'état.
Il devait se marier pour donner beaucoup d'enfants à sa patrie.
A Sparte l'état passait avant tout. Chaque jour le spartiate devait
assister aux syssitions (repas public) qui réunissaient tous les
citoyens. La présence aux syssitions était obligatoire sous
peine de perte des prérogatives qui découlaient du titre
de citoyen.
Jusqu'à l'âge de
60 ans les spartiates étaient soldats de l'état. L'organisation
militaire était à Sparte la vrai forme de société,
comme le nota très justement un roi de Sparte Archidamos : «Nous
l'emportons sur tous les autres états grecs car notre république
est un camp où règne toujours l'obéissance et la
discipline.»
Autre originalité de Sparte,
les Spartiates ne pouvaient s'enrichir, ils ne pouvaient ni cultiver la
terre, ni exercer un métier, ni se livrer aux activités
commerciales. Pour ce qui est de la monnaie, l'or et l'argent étaient
interdits ; seule une monnaie de fer lourd était autorisée.
En fait, ils percevaient un revenu
fixe, «apophora» qui leur assurait leur subsistance, comme le nota Plutarque,
«cela leur permettait de chasser de la cité l'orgueil, l'envie,
la débauche et ces maux les plus redoutables que sont la richesse,
la pauvreté
»
Tous les citoyens seraient donc
égaux ayant le même kléros et les mêmes revenus.
En effet, afin de maintenir une égalité complète
entre les spartiates, les lots de terres (le kléros) qui leurs
étaient attribuées étaient à l'origine de
même valeur, il leur était défendu de les aliéner.
L'état spartiate était donc avant tout une communauté
militaire dont tous les membres devaient consacrer leur vie entière
au service de l'état.
«En principe, l'état spartiate
n'était nullement constitué pour la conquête, il était
plutôt fait pour se restreindre dans les limites naturelles du pays
et pour s'isoler de l'extérieur ( vivre en autarcie) : tout contact
avec l'étranger était dangereux.»
(Histoire grecque - E. Curtuis)
Il n'y avait entre les spartiates
d'autre inégalité que celle des rangs occupés dans
l'armée. Les vertus essentielles du spartiate étaient :
- Le courage
- Le mépris de la douleur et de la mort
- Le sentiment profond de l'honneur
- La discipline
- Le dévouement total à la "res publica"
Tant que ces institutions furent
maintenues, l'état spartiate ne cessa de grandir.
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