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Nietzsche en 1870

Nietzsche et l'aristocratie

« Le but de toute culture est de former une élite d'hommes indépendants de toute nature. » (Nietzsche)

Notre but n’est pas d'énumérer tous les rapprochements entre la philosophie de Nietzsche et les valeurs qui caractérisaient la Grèce antique, mais si vous vous intéressez à la pensée de Nietzsche, son aristocratisme, cela semble utile de connaître ses sources d'inspirations ; c'est pourquoi nous trouvons un l'intérêt à vous communiquer ce qui suit afin d'aider vos propres recherches… et de mieux comprendre comment les lectures influencent la pensée. On ne comprend un problème que si on y réfléchit bien (texte de JED).

Définition de l'aristocratie : « gouvernement par les meilleurs » (sens étymologique).
Pour Nietzsche, c'est le dépassement de l'homme par l'homme qui se distingue, hiérarchie de classe qui repose sur des rapports de maîtres à esclaves. (Par delà le Bien et le Mal, IXe partie)

La constitution de Lycurque

Sparte est une partie essentielle de l'histoire du monde hellénique. Sa constitution qui a déchaîné les passions au sein de la Grèce antique inspira de façon certaine la pensée de Nietzsche. Celui-ci, attiré par tant de curiosités ne souhaitait pas s'abandonner au dilettantisme et il a par conséquent étudié la civilisation grecque pour mieux comprendre l'art et la vie, car il pensait que les valeurs qu'elle défendait permettaient un épanouissement de l'esprit. Modèle d'une cité aristocratique, Sparte se caractérise par l'éloge des valeurs telles que le respect, la discipline, l'austérité et le dévouement à la " Res plublicae " (chose publique).

Cité mythique de la Grèce antique, Sparte doit son originalité, sa puissance à ses institutions établies par Lycurgue au VIIIe siècle avant J.-C.

1) La société spartiate était profondément inégalitaire.

Elle présentait trois types d'individus :
- Les hilotes
- Les périèques
- Les égaux, qui n'étaient autres que les spartiates

Les hilotes étaient ceux des laconiens que les conquérants doriens avaient réduit en esclavage. Ils étaient chargés de cultiver les terres (le kléros) dont les spartiates s'étaient emparé.
Ils vivaient sur ces terres de pères en fils et devaient payer une redevance annuelle. Ils étaient parfois appelés à combattre auprès des spartiates. Ils leur étaient possible de s'affranchir et devenaient des Néodamodes. On leur accordait alors les droits civils mais pas les droits politiques. Ils ne pouvaient pas devenir spartiate.

Les périèques quant à eux avaient gardé leur liberté individuelle et ils possédaient le sol. Ils étaient incorporés comme les spartiates dans l'infanterie des hoplites, il pouvait exercer certains commandements. Par contre, aucun droit politique ne leur était reconnu. En revanche, il s'adonnaient à un grand nombre d'activités de commerce. En fin de compte, les périèques formaient la population active de la Laconie.

En haut de la pyramide, il y avait les spartiates ; eux seuls étaient citoyens et jouissaient de toutes les prérogatives politiques rattachées à ce statut. Ils étaient de race dorienne. Ces droits étaient héréditaires. Enfin, un spartiate pouvait être déchu de ses droits politiques s'il ne remplissait pas toutes les obligations que les lois de Sparte imposaient ou s'il avait manqué à un de ses devoirs civiques.

2) Organisation politique

Les principaux organes régissant la vie de sparte étaient :
- les rois
- l'assemblée des vieillards ou Gérousia
- l'assemblée du peuple
- les magistrats

a) les rois
Ce système oligarchique se composait de deux rois.
Ils étaient issus des familles d'Eurypontides et d'Agiades.
Leur pouvoir était surtout religieux et militaire, ils possédaient une autorité égale. Ils offraient les sacrifices publics aux grands dieux qu'étaient Jupiter et Apollon, les places d'honneur leurs étaient réservées dans les cérémonies religieuses.
Leur personne était inviolable et, lorsque l'un des deux mourait, toute la cité était en deuil.
De plus, ils étaient les chefs des armées spartiates en campagne mais ne décidaient ni des déclarations de guerre ni de la paix.

b) la gérousia
La gérousia était composée de 28 membres auxquelles se joignaient les deux rois. Pour en faire partie, il fallait être âgé d'au moins 60 ans, n'avoir commis aucune faute, n'avoir été ni puni par aucun magistrat ; en un mot, avoir été un citoyen exemplaire.
C'était l'assemblée du peuple qui désignait par acclamation les sénateurs. Cette assemblée était l'organe le plus pesant de l'état, elle dirigeait les affaires publiques. Elle avait l'initiative de toutes les décisions ; rien ne pouvait se faire sans elle. Elle jugeait les crimes qui entraînaient les peines de mort ou la déchéance civique, ou atimie.

c) Assemblée du peuple, ou Démos
L'assemblée du peuple, ou démos, se réunissait une fois par mois.
Seuls en faisaient partis les égaux. Elle ne pouvait prendre aucune initiative, elle n'avait qu'à approuver ou à rejeter les lois déjà prises par les sénateurs.

d) Les magistrats
Le soin d'exécuter les décisions et d'appliquer les lois votées par la Gérousia et ratifié par le Démos incombait aux magistrats. Les magistrats les plus importants de l'état spartiate étaient les éphores. En ce qui concerne leur origine Hérode les attribue à Lycurgue. Ils étaient au nombre de cinq, il n'y avait pour leur élection aucune condition d'âge, ni de rang, ni de fortune.
L'histoire ne nous dit malheureusement pas leur mode d'élection. Leur pouvoir était considérable, ils surveillaient les rois, contrôlaient leurs actes, pouvaient les mettre en accusation, les juger, les condamner à la prison.
Lorsque les rois étaient en campagne, ils étaient toujours suivis par deux éphores qui les assistaient. Selon Aristote, leur pouvoir était aussi important que celui des tyrans. On prendra pour tyran le sens grec du mot « usurpateur », mais ils faisaient le bien autour d’eux. Aujourd’hui, ce mot a pris un sens péjoratif.

3) Vie publique et privée des spartiates

Dans l'état spartiate le pouvoir appartient à un nombre restreint de personnes. Au milieu des périèques et autres hilotes, les spartiates pouvaient être considérés comme les seigneurs d'une population assujettie et opprimée.
Toutes les lois qui régissaient la cité avaient pour but de faire des spartiates des soldats dont la vie entière était consacrée à l'état. Dès sa naissance, le spartiate devait être de bonne constitution, sinon on l'abandonnait au mont Teygète, ou on le précipitait dans le ravin où il mourrait. Le droit de vivre lui était accordé s'il était fort et robuste.
Les mères s'en occupaient jusqu'à sept ans; elles devaient en faire des garçons robustes capables de résister aux intempéries. A sept ans, l'enfant était repris par l'état qui lui donnait une éducation militaire. L'exercice physique y tenait la place la plus importante, le corps était accoutumé à subir les rigueurs de la température et les souffrances matérielles les plus vives (nourriture insuffisante, ils ne dormaient jamais dans un lit mais sur la paillasse, ils marchaient pieds nus). De plus, chaque année, ils étaient fouettés devant l'autel d'Artémis, et ils ne devaient montrer aucun signe de souffrance. On les encourageait à la ruse et à voler, sous condition qu'ils ne soient pas surpris. En outre, ils étaient chargés de surveiller les hilotes contre tout soulèvement. La culture intellectuelle n'y tenait pas une place importante, en effet, il était rare qu'un spartiate sut lire et écrire. Seule la musique y tenait une place importante, non pas pour le coté artistique mais pour entraîner les jeunes à avoir la cadence. A trente ans, le spartiate avait terminé son éducation, mais il ne disposait pas de sa vie ; jusqu'à sa mort, il continuait d'appartenir à l'état. Il devait se marier pour donner beaucoup d'enfants à sa patrie. A Sparte l'état passait avant tout. Chaque jour le spartiate devait assister aux syssitions (repas public) qui réunissaient tous les citoyens. La présence aux syssitions était obligatoire sous peine de perte des prérogatives qui découlaient du titre de citoyen.
Jusqu'à l'âge de 60 ans les spartiates étaient soldats de l'état. L'organisation militaire était à Sparte la vrai forme de société, comme le nota très justement un roi de Sparte Archidamos : «Nous l'emportons sur tous les autres états grecs car notre république est un camp où règne toujours l'obéissance et la discipline.»
Autre originalité de Sparte, les Spartiates ne pouvaient s'enrichir, ils ne pouvaient ni cultiver la terre, ni exercer un métier, ni se livrer aux activités commerciales. Pour ce qui est de la monnaie, l'or et l'argent étaient interdits ; seule une monnaie de fer lourd était autorisée.
En fait, ils percevaient un revenu fixe, «apophora» qui leur assurait leur subsistance, comme le nota Plutarque, «cela leur permettait de chasser de la cité l'orgueil, l'envie, la débauche et ces maux les plus redoutables que sont la richesse, la pauvreté…»
Tous les citoyens seraient donc égaux ayant le même kléros et les mêmes revenus. En effet, afin de maintenir une égalité complète entre les spartiates, les lots de terres (le kléros) qui leurs étaient attribuées étaient à l'origine de même valeur, il leur était défendu de les aliéner. L'état spartiate était donc avant tout une communauté militaire dont tous les membres devaient consacrer leur vie entière au service de l'état.
«En principe, l'état spartiate n'était nullement constitué pour la conquête, il était plutôt fait pour se restreindre dans les limites naturelles du pays et pour s'isoler de l'extérieur ( vivre en autarcie) : tout contact avec l'étranger était dangereux.»
(Histoire grecque - E. Curtuis)

Il n'y avait entre les spartiates d'autre inégalité que celle des rangs occupés dans l'armée. Les vertus essentielles du spartiate étaient :
- Le courage
- Le mépris de la douleur et de la mort
- Le sentiment profond de l'honneur
- La discipline
- Le dévouement total à la "res publica"

Tant que ces institutions furent maintenues, l'état spartiate ne cessa de grandir.

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