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LE DROIT DE SUFFRAGE UNIVERSEL
« Le peuple ne s'est pas donné à lui-même
le suffrage universel ; partout où celui-ci est en vigueur aujourd'hui,
il l'a reçu et accepté provisoirement : de toute façon,
il a le droit d'en faire la restitution s'il ne donne pas satisfaction
à ses espoirs. Cela semble être maintenant partout le cas
: si, à l'occasion d'élections, à peine deux tiers
des électeurs, et souvent presque la majorité, ne se présentent
à l'urne, on peut dire que c'est là un vote contre le
système dans son ensemble.
- Il faudrait même juger ici avec plus de sévérité
encore. Une loi qui détermine que c'est la majorité qui
décide en dernière instance du bien de tous ne peut pas
être édifiée sur une base acquise précisément
par cette loi ; il faut nécessairement une base plus large et
cette base c'est l'unanimité de tous les suffrages.
Le suffrage universel ne peut pas être seulement l'expression
de la volonté d'une majorité : il faut que le pays tout
entier le désire. C'est pourquoi la contradiction d'une petite
minorité suffit déjà à le rendre impraticable
: et la non-participation à un vote est précisément
une de ces contradictions qui renverse tout le système électoral.
Le « veto absolu » de l'individu, ou, pour ne pas nous perdre
dans des minuties, le veto de quelques milliers d'individus plane sur
ce système, et c'est une conséquence de la justice : à
chaque usage que l'on fait du suffrage universel, il lui faudrait démontrer,
selon le taux de participation, qu'il existe encore à bon droit.»
(Nietzsche, Le voyageur et son ombre § 276)
De fait, si l'abstentionnisme
prend des proportions significatives, il faut y voir un désaveux
du suffrage universel, d'autant plus qu'il est en usage pour l'élection
du Chef d'État, lequel sera plus ou moins le tyran qui s'appuie
sur la police et l'armée pour gouverner, pour augmenter les impôts
et préparer la guerre, en reléguant le Parlement à
un rôle subalterne.
Les voix des abstentionnistes
et des bulletins blancs ne sont pas comptés quoi qu'ils dépassent
la majorité des voix, ce qui réduit considérablement
la "majorité" affichée officiellement (note)
: l'élu est en minorité puisque le
nombre d'abstention dépasse les 50 % ! Un second tour est donc
nécessaire pour donner l'illusion qu'il y a une majorité...
Est-on encore libre
quand les impôts servent principalement à entretenir des
politiciens qui s'appuient sur l'armée et la police pour se maintenir
au pouvoir ? En démocratie le peuple est souverain et ce n'est
pas au gouvernement de légiférer ; il y a pour cela des
représentants élus : ce sont les députés.
Les élus du peuple qui forment l'Assemblée nationale parlementent
pour décider par vote et la majorité fait force de loi.
Ensuite, l'Administration, qui est l'organe exécutif de l'État,
doit se contenter de faire appliquer la décision. Le gouvernement
est la tête de ce pouvoir exécutif, mais il empiète
sur les pouvoirs du Parlement, en légiférant. Comme l'a
fait remarquer Montesquieu :
«Tout homme
qui accède au pouvoir est porté à en abuser ; il
va jusqu'à ce qu'il trouve des limites.».
Depuis quand le gouvernement se permet-il de légiférer par
décret, par ordonnance, ou par le biais de l'article 49-3 ? A quoi
sert le Sénat ? A quoi sert le Parlement ? A quoi sert la cours
des comptes ? Des institutions dégradées qui ne font pas
contre-poids.
On pourrait encore en dire long sur les institutions françaises
maintes fois remaniées depuis deux siècles !
Pour les libertaires, les anarchistes et les pacifistes, les élections
ne sont qu’une duperie, par laquelle les moutons humains choisissent
le boucher qui les mènera à l'abatoir (guerre) et le bourgeois
qui les mangera (impôts et taxes).
Vers la même époque (1888), Octave
Mirbeau appelait à la
grève des électeurs, incitant à s'abstenir
d'élire qui que ce soit pour gouverner et décider
de tout sans même vous consulter. Il avait lu Nietzsche.
Un autre imprécateur dont la dernière œuvre
est L'inversion des valeurs (L'Antéchrist), sur
les idéaux (Le Crépuscule des idoles).
"MIRBEAU
ET NIETZSCHE" de Guirlinger Lucien (PDF en téléchargement
libre et gratuit)
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Note. Élu le 6 mai 2007 président de
la République par 18 983 138 français, soit à peine
30 % des voix, Nicolas Sarkozy n'a pas été élu par
une majorité de Français. Drôle de suffrage "universel",
n'est-ce pas ? Faut-il s'étonner si sa cote de popularité
est vite tombée à 30 %... On
peut dire la même chose sur E. Macron qui ne représente que
24 % des suffrages.
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