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Prophéties
Les gens ne croient plus en
rien (cf. Renan); ils n'ont plus confiance en
rien ni en personne. Nietzsche avait annoncé pour cette période
de nihilisme de grands
bouleversements : "les guerres les plus dures", la crise des valeurs,
la libération des mœurs, la fin des tabous sexuels
- c'est ce que nous connaissons depuis un siècle - avec des génocides
de peuples entiers. Dans ce monde sans pitié, nous voilà aujourd'hui confrontés
aux plus grands dangers, - le feu nucléaire, la vitesse, la pollution,
etc. -, donc condamnés à "vivre dangereusement" !
«Tout est prophétie dans
cette œuvre», dit-il à propos de «La
Naissance de la Tragédie» : « la promesse d'un
retour prochain de l'esprit grec » (L'esprit de compétition,
les passions ne sont plus réfrénées, la tragédie
peut commencer), «la nécessité de contre-Alexandres pour renouer
le nœud gordien, tranché, de la civilisation grecque...», (Le monde
des apparences reprend le pas sur le monde-vérité); le retour
du dionysiaque, surtout (le naturel revient
au galop, avec l'Opéra, les fêtes, la musique cadencée,
les danses actuelles, la sexualité débridée). L'inversion
de toutes les valeurs est prophétique et, déjà
pointe le surhumain... l'individualisme,
et "le surpassement de soi" de tous ceux qui réalisent des exploits
fabuleux. Il écrit :
« La volonté de vérité, une fois consciente
d'elle-même, ce sera la mort de la morale: c'est là le
spectacle grandiose en cent actes réservé aux deux prochains
siècles, spectacle terrifiant entre tous, mais peut-être
riche de magnifiques espérances. »
Le problème n'est plus
de prouver par raisons abstraites que Dieu existe ou n'existe pas, mais
de libérer l'homme sans se soucier de Dieu. La mort de Dieu apparaît
ainsi comme la condition nécessaire de l'individuation,
d'une véritable émancipation humaine.
« Il n'y eut jamais action plus grandiose que cela et ceux qui
naîtrons après seront des nôtres ; à cause
de nous, ils appartiendront à une civilisation plus haute qu'il
n'y en a jamais eu jusqu'ici dans l'histoire. »
Pour un Chrétien, un
pessimiste tel que Georges
Bernanos, cette prétendue civilisation est une contre-civilisation.
"Ou l'arrêter, ou périr." écrit-il en 1947. "L'Évangile
n'est plus dans le cœur des hommes"..."je sais trop ce que les Pharisiens
ont fait de l'Évangile." constate-t-il dans le journal La Bataille.
Il sent déjà qu'il n'y a plus de peuple et prétend
que la Libération n'est qu'une imposture. "A un monde de violence
et d'injustice, au monde de la bombe atomique, où l'homme moyen
ne peut plus vivre qu'en troupeau, on ne saurait déjà plus
rien opposer que la révolte des consciences, du plus grand nombre
de consciences possibles". Il est vrai, depuis 50 ans, nous ne sommes
plus que les vassaux de la superpuissance mondiale et la démocratie
n'est plus qu'un vain mot ! Faut-il pour autant être pessimistes
?
Il est vrai que nous vivons de
grands bouleversements. L'individualisme pousse à l'esprit de compétition,
de concurrence et nous sommes de plus en plus sous la dictature de l'argent,
comme l'avait souligné G.
Bernanos, il y a 50 ans.
L'ère atomique a succédé
à l'ère chrétienne. Est-ce pour autant "la fin de la civilisation humaine"
?
"La liquidation
générale de la Civilisation humaine par l'homme despiritualisé" ?
"Le christianisme a fait faillite"
et "la société s'écroule", écrivait-il dans Combat.
"Dans un monde malade où triomphe l'homme-robot, la France donnera-t-elle
le signal de l'insurrection de l'esprit ?" Son pessimisme lui fait dire
: "A la conscience individuelle se substitue peu à peu la monstrueuse
conscience collective qui engendre une organisation totalitaire de la
servitude totale (...) Un monde gagné par la technique est perdu pour
la liberté."...etc.
Au fait, sommes-nous vraiment libres ?
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