«Les passions deviennent mauvaises et perfides lorsqu'on les
considère d'une façon mauvaise et perfide. C'est ainsi
que le christianisme a réussi à faire d'Éros et
d'Aphrodite - sublimes puissances capables d'idéalité
- des génies infernaux et des esprits trompeurs, en provoquant
dans la conscience des croyants les remords à chaque excitation
sexuelle. N'est-ce pas épouvantable de transformer des sensations
nécessaires et normales en une source de misère intérieure
et de rendre ainsi volontairement la misère intérieure
nécessaire et normale chez tout être humain ! De plus,
cette misère demeure secrète, mais elle n'en a que des
racines plus profondes : car tous n'ont pas comme Shakespeare dans ses
sonnets le courage d'avouer sur ce point leur mélancolie chrétienne.
- Une chose contre quoi l'on est forcé de lutter, que l'on doit
maintenir dans ses limites, ou même, dans certains cas, chasser
complètement de l'esprit, devra-t-elle donc toujours être
appelée mauvaise ? N'est-ce pas l'habitude des âmes
vulgaires de considérer toujours, un ennemi comme mauvais
? A-t-on le droit d'appeler Éros un ennemi ? Les sensations sexuelles,
tout comme les sensations de pitié et d'adoration, ont en commun
qu'en les éprouvant un être fait du bien à un autre
être par son plaisir - on ne rencontre déjà pas
tant de ces dispositions bienfaisantes dans la nature ! Et c'est justement
l'une d'elles que l'on calomnie et que l'on corrompt par la mauvaise
conscience ! La procréation de l'homme assimilée à
la mauvaise conscience ! - Mais cette diabolisation d'Éros a
fini par avoir un dénouement de comédie : le « démon
» Éros est devenu peu
à peu plus intéressant pour les hommes que les anges et
les saints, grâce aux cachotteries et aux allures mystérieuses
de l'Église dans toutes les choses érotiques : c'est grâce
à l'Église que les affaires d'amour devinrent le seul
intérêt véritable commun à tous les milieux,
- avec une exagération qui paraîtrait incompréhensible
à l'antiquité - et qui ne manquera pas un jour de provoquer
l'hilarité. Toute notre poésie, toute notre pensée,
du plus élevé au plus bas est marquée et plus que
marquée par l'importance excessive avec laquelle l'histoire
d'amour entre en scène à titre d'histoire principale
: peut-être pour cette raison la postérité trouvera-t-elle
à tout l'héritage de la civilisation chrétienne
quelque-chose de mesquin et de fou.» (Aurore, Livre I, §
76, de Nietzsche)
Quand on dit à quelqu'un
qu'il est consciencieux, c'est un compliment qu'on lui fait. C'est parce
qu'il fait les choses comme sa conscience lui dicte. Être en accord
avec sa conscience, c'est avoir bonne conscience.
Quand on dit que quelqu'un a mauvaise conscience, c'est justement qu'il
a quelque chose à se reprocher. Tout cela explique que si l'on
est à l'écoute de son moi profond, sa conscience, on est
bien guidé. Quel est ce guide intime et secret qui est en toi
et en moi ? Comme l'explique Gérard de Nerval, l'homme est double
et le malheur arrive quand il n'est plus en phase, lorsqu'il repousse
les injonctions de sa conscience. Il arrive qu'à force, il n'a
plus de conscience du tout et c'est un peu ce qui arrive aux militaires
qui sont entraînésà tuer sans vergogne, et à
appuyer sur la gâchette sans réfléchir, par pur
réflexe... Certains se croient malins par leur science, mais
"Science sans conscience n'est que ruine de l'âme",
disait Rabelais. Et l'âme, c'est aussi la Conscience. La Conscience
qu'on situait autrefois dans le cœur n'est point en ce lieu précis,
elle enveloppe tout le corps, chaque cellule, et contrôle chaque
pensée. Pascal disait : "Le Cœur a sa raison que la
Raison ignore"... il bat à son rythme, en effet, et s'emballe
parfois sans raison... La voix cardiaque comme disait un certain "philosophe
inconnu"... c'est la voix du cœur. Bref, Les initiés
savent cela.