Gœthe avait précisé
dès le début que son uvre littéraire était
comme une confession.
Chateaubriand est un auteur romantique
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Mélancolie et vague à l'âme
En 1774, «Les souffrances
du jeune Werther», a été le premier grand chef-d'uvre
romantique de la littérature allemande. Écrit d'un seul
jet par le jeune Gœthe, ce roman d'amour passionné qui scandalisa
la cour, suscita une fièvre, une ivresse nouvelle, «une extase
qui déferla sur toute la planète habitée»,
et ce fut comme une étincelle qui libéra des forces tenues
en laisse depuis tant d'années. Avec ce géant de la littérature,
l'Allemagne se réveille et enflamme l'Europe. Les passions bridées
par des siècles de christianisme ascétique étroit
se libèrent enfin et la vie reprend ses droits.
Que s'était-il donc passé dans ces années qui marquèrent
le triomphe tempétueux des passions ?
Chateaubriand
a décrit le sentiment de vague à l'âme,
d'amertume et de dégoût que le christianisme engendrait :
« Il reste à parler d'un état de l'âme qui,
ce nous semble, n'a pas encore été bien observé
: c'est celui qui précède le développement des
passions, lorsque nos facultés, jeunes, actives, entières,
mais renfermées, ne se sont exercées que sur elles-mêmes,
sans but et sans objet. Plus les peuples avancent en civilisation, plus
cet état du vague des passions augmente, car il arrive alors
une chose fort triste - le grand nombre d'exemples qu'on a sous les
yeux, la multitude de livres qui traitent de l'homme et de ses sentiments
rendent habile sans expérience. On est détrompé
sans avoir joui, il reste encore des désirs, et l'on n'a plus
d'illusions. L'imagination est riche, abondante et merveilleuse; l'existence
pauvre, sèche et désenchantée. On habite avec un
cur plein un monde vide, et sans avoir usé de rien, on
est désabusé de tout. L'amertume que cet état de
l'âme répand sur la vie est incroyable, le cur se
retourne et se replie en cent manières pour employer des forces
qu'il sent lui être inutiles.(...)
Formée pour
nos misères et pour nos besoins, la religion chrétienne
nous offre sans cesse le double tableau des chagrins de la terre et
des joies célestes, et par ce moyen elle fait dans le cur
une source de maux présents et d'espérances lointaines,
d'où découlent d'inépuisables rêveries. Le
Chrétien se regarde toujours comme un voyageur qui passe ici-bas
dans une vallée de larmes et qui ne se repose qu'au tombeau.
Le monde n'est point l'objet de ses vux, car il sait que l'homme
vit peu de jours, et que cet objet lui échapperait vite.
Les persécutions
qu'éprouvèrent les premiers fidèles augmentèrent
en eux ce dégoût des choses de la vie. L'invasion des barbares
y mit le comble, et l'esprit humain en reçut une impression de
tristesse très profonde et une teinte de misanthropie qui ne
s'est jamais bien effacée. De toutes parts s'élevèrent
des couvents, où se retirèrent des malheureux trompés
par le monde et des âmes qui aimaient mieux ignorer certains sentiments
de la vie que de s'exposer à les voir cruellement trahis. Mais
de nos jours, quand les monastères ou la vertu qui y conduit
ont manqué à ces âmes ardentes, elles se sont trouvées
étrangères au milieu des hommes. Dégoûtées
par leur siècle, effrayées par leur religion, elles sont
restées dans le monde sans se livrer au monde : alors elles sont
devenues la proie de mille chimères, alors on a vu naître
cette coupable mélancolie qui s'engendre au milieu des passions,
lorsque ces passions, sans objet, se consument d'elles-mêmes dans
un cur solitaire. » (Le Génie du Christianisme,
Chapitre IX ) Voir note ci-dessous
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