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Dionysos
 Dionysos-Bacchus
est un très ancien dieu païen riche d'attributions : dieu du vin
et de la vigne, des fêtes et du théâtre ; il parcourt
la nature sauvage avec ses compagnons : le vieux Silène, les satyres,
et les ménades (femmes en folie ou en transe chantant et dansant).
C'est lui qui est sorti de la cuisse de Jupiter (Zeus) après avoir
été né prématuré de Zeus et de Sémélé,
et il est associé à l'invention du théâtre
(En Grèce, on l'appelle justement le théâtre de Dionysos).
Demi-dieu, il tient une place à part dans le panthéon grec.
Plus tard, Dionysos est un dieu qui souffre, meurt et ressuscite glorieux
dans le cadre des mystères orphiques qui préfigurent indéniablement
les rites chrétiens.
Nietzsche affirme être un disciple
de Dionysos, «ce grand et mystérieux dieu tentateur, ce génie
du cur». Il loue ce dieu de l'ivresse qui débloque
l'esprit des tabous, qui décomplexe. (Par delà le bien
et le mal, § 295)
«Dans l'Antiquité, la religion
était une fête : elle exhortait les hommes au plaisir. Personne
ne professait alors que cette vie est une vallée de larmes, ni
qu'il y a du mérite à se faire souffrir», rappelle
Stendhal (Chroniques Italiennes).
Mais le christianisme a voulu mettre fin
à ce dévergondage, qui, n'en doutons pas, n'était
qu'une saine compensation. Dans nos danses modernes et musiques rythmées,
sans parler de la «rave» qui rassemble les jeunes d'aujourd'hui pour une
nuit de folie, n'avons nous pas là un retour du dionysiaque dans
notre société ?
Le mythe de Dionysos est extrêmement troublant, pour toutes sortes
de raisons. Il semble que certains aspects de ce mythe n'ont pas tous,
tant s'en faut, été mis en valeur. Voici ceux que je tiens
pour tels :
1. La naissance divine de Dionysos est largement attestée. On a
pu, à ce sujet, le rapprocher du Christ. Mais il tient une place
quelque peu étrange dans le panthéon grec, à l'instar
d'autres semi-divinités comme le Grand Pan, Perséphone,
Eros, Hermaphrodite etc, bref, les dieux ou demi-dieux de deuxième
génération (qui sont conviés sur l'Olympe mais n'y
résident pas).
Un élément intéressant est que Dionysos est le premier
dieu grec dont nous ayons une représentation sous forme de statuette
(crétoise) alors que, suivant la mythologie, il est l'un des derniers
dieux à apparaître. Ne serait-il pas concevable que "Dionysos"
ait, en réalité, été un homme "excellent",
voire "divin" (pour reprendre la terminologie aristotélicienne)
et qu'il ait été divinisé (comme, par la suite, Alexandre
tentera de l'être) puis - mais seulement puis - que le reste de
la mythologie grecque soit venue, par des emprunts à d'autres panthéons
(notamment égyptiens, perses, babyloniens etc) justifier la nature
divine d'un homme de chair et de sang ? En quelque sorte, la mythologie
grecque se serait développée à rebours de la manière
dont elle nous est présentée. 
2. Dionysos a régné avec son frère, Penthée,
qui était un monarque "appollinien" mais qui a finalement
exclu Dionysos de l'exercice du pouvoir. Puis Dionysos est revenu sous
une forme mauvaise, méchante, barbare et tyrannique. Si, maintenant,
on considère que Eros est très proche de Dionysos (voir
notamment Platon, Le Banquet, où Socrate finit par devenir une-Incarnation
d'Eros chantée par Alcibiade qui, ivre, ressemble singulièrement
à Dionysos), on peut trouver un enseignement intéressant
à ce mythe : boutez le désir, la joie et l'ivresse par la
force (ou par commandement de la loi) hors la cité, et il revient,
mais sous une forme pervertie.
3. Dionysos est entouré des ménades, ces femmes hystériques
et libres qui prétendent se moquer des hommes (selon plusieurs
sources, ce sont les ménades qui mettent Orphée à
mort). Il y a là un parallèle intéressant avec les
sorcières du Moyen-âge. Mais surtout, Dionysos ne se mêle
pas aux ménades. Elles le suivent... D'ailleurs, Dionysos lui-même
finit par se marier avec Ariane, abandonnée par Thésée
sur Naxos (Gide interprète cela, dans Thésée, dans
un sens amusant: pour lui, cela signifie qu'Ariane est devenue ivrognesse).
Ariane est à rapprocher de l'Aria de l'Inde. Pour les Perses, les
aryens étaient des nobles, et j'imagine que les iraniens en sont
les descendants...
Origine du carnaval
Les fêtes consacrées à
Dionysos étaient nombreuses. Aux Lénaia, on voyait les ménades
emportées par l'enthousiasme se livrer à des danses effrénées.
Des représentations dramatiques et des concours lyriques accompagnaient
ces festivités. En février, les Anthestéries duraient
trois jours. Une procession accompagnait le dieu, installé sur
un char en forme de navire et entouré d'un cortège dont
les participants portaient des masques.
Origine
du théâtre
Au printemps, les Grandes Dionysies constituaient le moment privilégié
des concours dramatiques ; elles étaient suivies des Dionysies
agraires, célébrées pour la génération,
où un énorme phallus, symbole de fécondité,
était promené sur un char. Les jeunes gens formaient alors
un joyeux cortège et échangeaient en cette occasion propos
gaillards et quolibets. À l'occasion de ces fêtes, les esclaves
retrouvaient les mêmes libertés que leur maîtres et
participaient à la fête en dansant au rythme de la musique.

“Dans la vieille religion antique de Déméter l'enfanteuse
et de Dionysos l'engendreur, on adorait le corps et on fêtait
les moments de sa genèse - la génération et la
naissance. Il y avait une mystique vénérant les mystères
de la vie, des doctrines, des symboles et des jeux, mais aussi l'orgasme,
car la dépense corporelle est aussi profondément apparentée
à l'ascèse que la prostitution sacrée au célibat
- tous deux sont négateurs du temps. C'est la formule - arrière
devant le trop, qui est ici renversée. La distance n'est pas
considérée, mais supprimée.” (Sprengler).
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