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Généalogie de la morale

Au sujet de la conscience morale, Nietzsche rappelle que la mémoire humaine fonctionne selon le principe très ancien :
"On grave quelque-chose au fer rouge pour le fixer dans la mémoire ; car seul ce qui fait mal reste dans la mémoire."
Sa réflexion sur le rôle de la mémoire et la faculté d'oubli rejoint un peu celle de M. Proust qui a noté que "seul le mal fait remarquer et apprendre" (Sodome et Ghomorre).

« L'antinomie des valeurs n'est qu'apparente.» Bien et mal sont des oppositions naturelles irréductibles. Si nous voulons le bien, il faut admettre la nécessité du mal, car l'un ne va pas sans l'autre. Le véritable héros est le rebelle, parce que sa révolte est saine. On ne peut lui en vouloir de réagir contre l'oppression. Le pouvoir établi s'entoure de forces de police, de gens armés : cela est prémédité pour se défendre.
Nos actes sont-ils tous prémédités ? Que vaut l'intention ? Chacun sait se justifier en invoquant le fait que l'intention qu'il avait était bonne. On appelle cela : se donner bonne conscience, mais c'est parce qu'on a mauvaise conscience, qu'on cherche à se faire bien voir.... Seule, la valeur de nos actes compte.
L'origine des préjugés moraux est dans la révolte et le ressentiment des faibles et des esclaves.

Dans Par delà bien et mal(l'esprit libre, § 32), Nietzsche définit trois périodes dans l'évolution de la morale :
- Tout d'abord, ce fut une période "pré-morale" : Une action était jugée en bien ou en mal sur les conséquences qu'elle entraînait. Tout action qui faisait souffrir était jugée mauvaise.
- Puis une période morale : Renversement de perspective. L'action est jugée d'après la cause. Ce qui est jugé bon vient des meilleurs et des plus forts, selon les mœurs aristocratiques.
- Ensuite, une période "post-morale" : «Fatale superstition, l'origine de l'action est attribuée à l'intention.» Ainsi, pour la bonne cause, tout est permis, et qu'importe après tout si nous faisons le mal puisque c'est afin qu'il en sorte du bien. «Si notre injustice fait ressortir la justice de Dieu, que dire ?» (Romains III, 5-8) Ces écrits de Paul ont eu pour conséquences les bûchers de l'Inquisition et toutes sortes de frénésies religieuses malsaines. Dans nos actes, l'intention ne serait qu'un masque qui cache les instincts les plus profonds enfouis dans notre conscience. Il faut comprendre que les "bonnes" intentions ne justifient pas les actes tyraniques, cruels ou despotiques de certaines personnes...
« Aussi bien soupçonnons-nous que c'est précisément que c'est ce qu'il y a de non intentionnel dans l'acte qui lui prête une valeur décisive et que tout ce qui y parait prémédité, tout ce qui vient à la conscience fait encore partie de la surface, et ne vient pas du plus profond de l'être.» Nietzsche prévoit donc pour maintenant une période extra-morale, supra-morale, ou amorale. «Le dépassement de cette morale, tel est le long travail secret qui était réservé aux consciences les plus fines, les plus probes, aux consciences qui sont les plus vivantes pierres de touche de l'âme.» ...des temps post-humains ?

Nos instincts nous guident et nous protègent, dans la vie. Mais alors, dans notre comportement, doit-on laisser tous nos instincts dominer ? Ou faire acte de volonté en essayant de maitriser nos mauvais penchants et nos instincts les plus barbares ? Dompter ses instincts pour mieux se sentir libre ?

La Grèce antique n'a pas été seulement ce jardin des délices où aimaient musarder les philosophes. C'est un monde où se déchaînèrent des brutalités inimaginables. De Homère à Thucydide, la littérature s'est faite le reflet de ces scènes de guerre pleine de héros morts tragiquement.

Tous les jours nous voyons apparaître sur nos écrans ou entendons à la radio des récits où l'horreur le dispute à la terreur. On n'est plus aux époques bénies où n'existaient ni les armes de destruction massive, ni la poudre à canon, ni les armes automatiques. Aujourd'hui, les médias nous font moins assister à des actes de barbarie, mais rarement celle des militaires. Larguer des bombes d'un avion, ou tirer d'un hélicoptère, ce n'est pas de l'héroïsme. La barbarie militaire est monstrueuse, mais on ne la filme plus : les reporters sont exclus du champ de bataille. La guerre perturberait trop notre vie quotidienne, comme elle a déjà bouleversé tout notre vingtième siècle.

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