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LE PSYCHOLOGUE PREND LA PAROLE
« Plus un psychologue,
un psychologue-né, s'entend, un infaillible sondeur d'âmes,
se tourne vers les cas et les individus les plus exceptionnels, plus
grand est pour lui le danger d'être accablé par la pitié.
Plus que personne, il a besoin de dureté et de sérénité.
La règle est en effet que les hommes supérieurs se corrompent
et courent à leur perte : il est terrible d'avoir constamment
cette règle sous les yeux. L'incessant martyre du psychologue
qui a découvert cette ruine inexorable, qui a découvert
une fois pour toutes et redécouvre presque chaque fois le caractère
essentiellement « incurable » du mal, qui, dans toute l'histoire,
frappe les hommes qui se servent de la gaieté afin de n'être,
de ce fait, pas compris : ils veulent être incompris. Il y a des
« esprits scientifiques » qui se servent de la science,
parce qu'elle donne un air de sérénité et que,
de son érudition, on déduit qu'un homme est superficiel
- ils veulent induire à une conclusion erronée... II y
a des esprits libres et insolents qui voudraient dissimuler et nier
qu'ils sont, au fond, des cœurs incurables et brisés, -
c'est le cas d'Hamlet - et la folie, enfin, peut être le masque
d'un savoir funeste et trop certain. »
(LE CAS WAGNER - NIETZSCHE CONTRE WAGNER, EPILOGUE II)
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