Des bons et des méchantsDans son livre, Lou Salomé cherche à cerner la personnalité de Frédéric Nietzsche, lequel était préoccupé par l'énigme de sa propre nature. Et chacun sait que ses uvres sont grandement autobiographiques. Elle note : « En Nietzsche coexistaient, dans un état permanent de tension et de conflit, un musicien remarquable, un esprit libre, un réformateur religieux, et un poète inné.» Il ne faut pas prendre les mots "bons" et "méchants" dans leur acception courante, remarque-t-elle. En employant ces mots, Nietzsche ne porte pas de jugement de valeur. Nietzsche se range du côté des "méchants" et invective les "bons" et les "justes" qui l'appellent le destructeur. Pourtant, il a besoin de ses "ennemis", et leur rend le bien pour le mal : il se donne la peine d'éclairer ceux qui le calomnient et l'injurient. Nietzsche distingue deux types humains :
Son héroïsme,
c'est d'atteindre un but, au regard duquel lui-même ne compte plus.
C'est la bonne volonté absolue avec laquelle il consent à
sa propre destruction. Pour ce penseur, «la vie elle-même
est devenue un instrument de connaissance», et il crie à ses compagnons
: «Soyons nous-mêmes nos sujets de tests et d'expériences.»
(le Gai Savoir, § 324 et 319). Mais ce sont surtout des incompris,
des mal-aimés, des marginaux, parce qu'ils dérangent, et
Nietzsche, comme Rousseau, s'est senti souvent incompris, rejeté,
mal accepté par la société, tel une brebis galeuse.
C'est là que naît sa théorie de la décadence et du déclin... différente de celle de Paul Bourget, qui, dans ses Essais de psychologie contemporaine, vient du désaccord entre l'homme et son milieu naturel dans la société contemporaine. C'est une crise morale qui produit un mal-être, ennui, mélancolie et nausée. Nietzsche avait lu ce livre. Note Larges emprunts dans cette page au livre de Lou Andréas Salomé : Frédéric Nietzsche, 1932 (réimpression G&B 7-9 rue Emile-Dubois, 75014 Paris) |