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Imprécations
Le christianisme inspire la modestie,
un doux moralisme et souvent la résignation, ce qui est à l’opposé de
la conduite de Jésus, lequel était toujours actif, bravant les us et coutumes,
le haut clergé et même défiant la mort. L’idéal ascétique de renoncement
aux plaisirs et aux biens de ce monde, la culpabilisation à outrance,
l’altruisme poussé jusqu’à la compassion, jusqu’à l’idée qu’il y a du
mérite à se faire souffrir: cela n’est pas bon pour tout le monde ! Voilà
ce que dénonce Nietzsche: une idiosyncrasie* morale
que l’Église a voulu répandre et étendre au monde entier.
Cet idéal chrétien est même contre-nature
(contre les instincts naturels qui nous permettent de rester en vie et
de perpétuer la vie comme l’instinct de conservation) : la
sexualité est liée à la notion d'impureté. Non,
la piété n’est pas un sentiment noble et le saint mensonge ne prouvera
jamais la “véracité de Dieu” (cf. Épître de Paul aux Romains).
S'il existe un Dieu, c'est un Dieu purement artiste, absolument dénué
de scrupule et de morale.
La critique de Nietzsche
porte donc sur l’idéal de renoncement, cette façon d’abdiquer son ego,
d’anéantir la volonté personnelle, la réussite sociale, la fierté, de
sataniser le plaisir, la vie réelle, au fond, celle que nous sommes nombreux
à apprécier malgré le côté tragique de la vie. Cet idéal contre nature
engendre un conflit permanent et entraîne les pires hypocrisies et la
vanité.
Nietzsche a été très loin dans sa critique
de la “Grande Araignée du Monde” et des préjugés moraux et religieux qu’elle
véhicule depuis des siècles en Europe et même dans le monde entier. C’est
une vraie “déclaration de guerre” qu’il a écrite et, en cela, il est intransigeant
et athée. Opposant sa "vérité" (un monde de croyances),
au monde réel et bien vivant décrié comme un monde
d'apparences à la suite de Platon*,
le christianisme ne promet le bonheur que dans l'au-delà (et une
vie monacale ici-bas). Où est le Dieu-Amour ? Est-ce un pur "Esprit"
? ou le pur produit de notre imagination ?
"Pense à cette maxime là, mon noble ami, tu devineras
vite qu'il y a de la sagesse dans une telle maxime : Celui qui a dit
"Dieu est Esprit", celui-là fit jusqu'à aujourd'hui
sur terre, le pas et le saut le plus grand est franchi vers l'incrédulité.
Ce n'est pas facile de réparer une telle parole sur la terre
!" (Ainsi parlait Zarathoustra)
Sigmud
Freud fut contemporain de Nietzsche et leurs points de vue sur la
religion coïncident. A partir de ce constat : « Il est douteux que les
hommes, au temps où la religion régnait en maîtresse absolue, aient été
dans l’ensemble plus humains qu’aujourd’hui; en tout cas, ils n’étaient
pas plus moraux», le sentiment religieux est, pour lui, «la névrose obsessionnelle
de l’humanité». Ce sont les deux précurseurs de la Psychologie moderne,
deux fins psychologues, qui se sont parfois trompés, à vouloir s’affirmer
un peu trop. Question d’orgueil, à n’en pas douter ! Personne n’est parfait
! Dieu n'existe donc que dans la tête des croyants.
Comment le "monde-vérité" devint enfin une fable
"Dernier acte : Le «monde-vérité», nous l'avons aboli
; Alors quel monde nous est resté ?
Le monde des apparences, peut-être ?....
Mais non ! avec le monde-vérité nous avons aussi aboli
le monde des apparences !
Midi : Fin de l'erreur la plus longue ; point culminant pour l'humanité."
(Le crépuscule des Idoles)
Et Nietzsche de conclure:
« La volonté de vérité est devenue consciente d’elle-même, alors la morale
s’écroule : grand spectacle en cent actes réservé au deux prochains siècles,
spectacle effrayant entre tous, plein d’inconnu et peut-être le plus riche
d’espoirs ». C'est ce que nous vivons actuellement !
Idiosyncrasie : sensibilité
propre à chacun, réaction individuelle. 
Platon, dans son allégorie de
la caverne, parle de notre monde comme étant le monde des apparences,
que nous ne voyons pas la réalité mais les ombres de la réalité qui est
au-dehors. Il enseigne qu'au delà de ce monde d'apparence, il y
a la Vérité permanente et il veut tourner les esprits à
l'idée du Bien, du Beau et du Vrai, toutes se confondant dans un
idéal religieux. 
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