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L'éternel retour
Toute la doctrine
est présente dans Ainsi parlait Zarathoustra,
partie III, Le convalescent :
«Toutes les choses reviennent éternellement, et nous-même
avec elles. Tout s'en va, tout revient ; éternellement roule la roue
de l'être. Tout meurt et tout refleurit, éternellement se déroule l'année
de l'être.»
Il n'y a pas seulement l'idée de renouveau
et de cycle éternel de la vie (note) dans
la pensée de Nietzsche. Il dramatise sur le destin.
«Le nud des causes dans lequel je suis emmêlé ne disparaît
pas ; il me créera de nouveau. Moi-même, je fais parti des causes de
l'éternel retour.»
Cette idée
nous rend malades. Pour supporter cette pensée que la vie est un
éternel recommencement, il faut l'acquiescement
supérieur du philosophe qui reconnaît que, au fond, tout
est bien ainsi, il n'y a rien à rejeter, même la pire des
choses a de bons côtés. Alors, il faut aimer la vie pour
se soumettre à ses lois, à condition de ne pas répéter
toujours les mêmes erreurs. C'est le devenir évolutif de
l'humanité qui, comme dans la sélection naturelle des espèces,
se construit : évoluer, c'est se surpasser (le darwinisme repose
sur la notion d'évolution). Zarathoustra est guéri.
On aurait pu croire
que si tout revient éternellement, Nietzsche aussi, ayant sa place
au Panthéon des grands penseurs célèbres et des écrivains
marqués du sceau du génie, reviendra nous hanter sans cesse,
à moins que, pour expier ses fautes (ainsi que tous les impies),
il se réincarne éternellement, - comme le veut la doctrine
judéo-chrétienne -, sur Terre, où la vie devient
de plus en plus pénible, et peut devenir un enfer au train où
vont les choses. «L'iniquité fera de toute la terre un désert».
Le Livre de la sagesse stipule que «le Juste, en mourant, condamne
les impies qui survivent, et demeurera en paix au Ciel pour la vie éternelle».
Cela a-t-il un rapport avec l'antique doctrine de l'évolution personnelle
des âmes, avec le cycle des réincarnations, où le
destin évolutif de chacun est inscrit dans son karma, mais aussi
dans la karma collectif de l'humanité ? N'aurons-nous pas à revenir
encore et toujours ? La roue des renaissances et le karma forment une
doctrine spirituelle connue des initiés. Ne devrons-nous pas subir
un jour la conséquence de nos fautes, et pour soulager le poids de nos
péchés payer une rétribution de souffrance ?
Nietzsche a fait une confidence : «J'avoue que mon objection la plus
profonde à l'éternel retour, c'est toujours ma mère
et ma sur». Nietzsche supportait la souffrance mais pas la pitié.
C'est son amour-propre de fils prodigue.
- Lou A. Salomé a donné une explication intelligente sur
ce sujet... (voir suite).
Voir une belle métaphore du temps, le
portique de l'instant (dessin), ou alors, Lire
la suite ----->
Note. Univers cyclique et éternel retour.
L'idée est très ancienne :
on a déjà, dans L'Égypte Ancienne, le mythe de l'éternel
retour du disque solaire, des crues du Nil, des éclipses et des
saisons. Même au-delà de la mort on le retrouve, car il y
a une unité cosmique, et la loi de Thot débute par : "Tout
est cycle ". «Je recommence à vivre après ma mort.
Je ressuscite après la mort » disent les textes des sarcophages
(V, 438). Tout dans l'Univers subit la loi de l'éternel retour.
Tout est dans tout, et l'image du serpent qui se mord la queue est bien
connue.
«Ce monde, le même pour tous, ni dieu ni homme ne l'a fait, mais il
était toujours, il est et il sera, feu toujours vivant, s'allumant en
mesure et s'éteignant en mesure.» (Héraclite
d'Ephèse)
Héraclite
voit aussi dans le divin, l'Un comme un cercle, l'organisateur des cycles,
et ce Logos est la "foudre" qui gouverne l'Univers. Pour "l'annonciateur
de la foudre", Nietzsche, "cette foudre, c'est le surhumain"
! Ainsi parlait Zarathoustra ! Hésiode, Pythagore et Platon s'intéressaient
aux cycles. La doctrine de l'éternel retour est développée
par Pythagore dans le renouvellement incessant des êtres et des
choses. On la retrouve chez les stoïciens : tout conspire vers la
déflagration finale à partir de laquelle tout recommence.
Le portique de l'instant fait penser au portique
des stoïciens. Quand Nietzsche parle de
«la grande année du devenir, semblable à un sablier qu'il
faut retourner sans cesse afin d'achever un nouveau temps», est-ce de
l'ère chrétienne qu'il s'agit ? s'inspire-t-il du cycle
de 26 000 ans de Platon ? La vision cyclique de l'histoire de Platon fut
reprise par Vico et se divise en trois âges : théocratique,
aristocratique, démocratique et retour au chaos avant une renaissance...
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