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Nietzsche : le génie de l'éternel retour ?
Nietzsche était-il
un nostalgique de la culture hellénique ? Il raisonne un peu comme
si la civilisation grecque était un modèle idéal.
Pour Nietzsche, la grandeur grecque consiste d'abord dans l'esprit de
compétition et de défi, ensuite dans l'opposition relative
et complémentaire entre l'apollinien et le dionysiaque, l'ami et
l'ennemi, le bien et le mal, le beau et le laid, le vrai et le faux. Si
le génie et l'art sont les fins dernières de la culture
hellénique, toutes les formes de la société hellénique
doivent nous apparaître comme des mécanismes nécessaires
et des acheminements vers cette fin dernière. Cherchant quels moyens
utilise la volonté d'art qui anime les Hellènes, Nietzsche
discerne alors et nomme l'un de ces moyens : l'esclavage.
Mais cette institution même, l'esclavage,
quelle en est l'origine ?
« Les Grecs nous l'apprennent, répond Nietzsche : Le vaincu appartient
au vainqueur, disent-ils, avec femmes et enfants, avec son bien et son
sang. La
puissance donne le premier droit, et il n'y a pas de droit qui ne soit
en son fond appropriation, usurpation, puissance.» Ainsi, la pensée
de Nietzsche est ramenée vers son premier objet : la guerre l'avait
inspiré d'abord, il la retrouve. C'est elle qui a donné
l'esclave ! Dans la douleur et dans la tragédie, les hommes ont
inventé la beauté ; il faut les plonger et les retenir dans
la douleur et dans la tragédie pour maintenir en eux le sens de
la beauté. Et il a même chanté
le péan de la guerre. "L'homme libre est
un guerrier", clame-t-il dans Le Crépuscule des Idoles.
 Il
ne faut pas se laisser séduire par le lyrisme et les belles formules
de ce rhétoricien agnostique. Nietzsche est de la même veine
que les sophistes, ces maîtres à penser qui présentaient
leurs arguments comme des vraisemblances mais qui critiquaient tout, remettaient
tout en question, réfutaient toutes les valeurs traditionnelles
pour en établir de nouvelles sur des bases nouvelles, ce qui est
dangereux et démagogique.
L'opinion que les choses sont telles qu'elles
nous paraissent, que les instincts priment encore sur les sentiments,
que le doute est de mise devant toute métaphysique, religion et
morale, que la justice disparaît devant l'innocence humaine dans
ce monde immoral et sans pitié, régi par une volonté
de puissance elle-même au-dessus de tout bien et tout mal, ruine
un ordre moral édifié au long des millénaires de
civilisations successives.
La psychologie commençait
par la morale. Nietzsche a beau essayer de s'élever au delà
du bien et du mal, il n'a de cesse d'y retomber en prétendant au
bon "goût" ou à la "méchanceté".
Les principes, les idéaux et valeurs qu'il attaque, parce que opposées
à sa nature, "bonne" en principe, et à ses chers
instincts vitaux, qui seraient trop "bons" pour être domptés
ou réfrénés, sont remplacés par d'autres aussi
discutables.
Les nombreuses références
de Nietzsche à son "goût" et à la "grandeur"
font référence à la philosophie à l'époque
des Grecs. Le terme grec qui désigne le « sage » est
lié étymologiquement à sapio (je goûte), sapiens
(le dégustateur); la philosophie légifère sur la
grandeur... Est-ce que ce philologue ne cherche pas à avoir sa
place au soleil parmi les génies de la pensée et de la littérature
?
"Ni un génie ni un saint" (Ecce Homo)
Était-ce un
penseur génial ou seulement un génie de la littérature
?
- Certes, son style est excellent en langue allemande, mais son système
de pensée se contrarie très souvent, si toutefois on peut
parler de système, sinon quelques idées post-modernes
: un goût pour la critique des idées et idéaux qui
n'ont rien d'absolu, une tendance à l'individualisme...
un sain scepticisme.
Nietzsche fait surtout confiance
aux instincts vitaux. Suivons nos instincts naturels, mais quels instincts
?
- Nos instincts de conservation (instinct de défense, instinct
sexuel, instinct maternel) sont là pour préserver la vie
et la développer. Ces instincts nous guident et nous protègent,
mais il y a aussi nos attitudes mentales à ramener tout à
soi (égoïsme). Ne faut-il pas en faire un usage modéré
? Ne faut-il pas maîtriser nos instincts les plus primitifs (instinct
guerrier) et développer des instincts civilisateurs ou sociaux
? L'instinct grégaire, sous un certain angle, est lié à
notre besoin de sécurité.
Son idée d'éternel
retour semble être un empreinte de la doctrine des stoïciens,
ou de Pythagore, ou d'Héraclite. Le renouvellement incessant des
générations, de tous les êtres vivants et de tous
les phénomènes, suivant un cycle fermé analogue aux
cycles naturels, est une loi cosmique. Les anciens savaient en effet que
tout se renouvelle périodiquement. De morts en renaissances, Pythagore
enseignait que la vie se manifeste de manière vibratoire selon
une fréquence déterminée, ou selon des phases plus
ou moins longues, et que les nombres commandent tout... En fait, elle
est liée à sa spiritualité, son savoir-vivre.
le péan de la guerre : euphémisme
(le péan est un chant guerrier chez les Grecs).
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