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Qui pourrait dire le vrai nom de l'Antéchrist ?
Quand Nietzsche pose la question,
il entend par là la doctrine antichrétienne qu'il nomme
dionysienne. Son pamphlet antichrétien, l'Antéchrist, est
dirigé contre l'Église chrétienne et la foi qu'elle
distille. Du Christ il n'en est guère question, mais plutôt
de ce que certains «chrétiens » ont fait abusivement
de lui, de sa vie, de sa doctrine et de sa pratique. Peut-être,
dira le lecteur, mais à quoi bon évoquer une problématique
désuète, une théologie réfutée, un
mouvement religieux antédiluvien, un fossile, un personnage et
une symbolique déconsidérés dont il ne reste apparemment
qu'un discours moralisateur dépassé et discrédité,
des superstitions, des vestiges historiques et des traditions sans portée,
voire des nostalgies et des réflexes névrotiques et morbides
? Nietzsche serait-il, comme beaucoup de polémistes
et de pamphlétaires, un nostalgique, voire
un passionné, obsédé par cela même qu'il combat
au point d'en exagérer l'importance ? A son époque, le christianisme
que l'on peut juger de nos jours politiquement et moralement moribond,
était dominant. Il représentait donc un véritable
adversaire, voire l'ennemi à abattre. Mais de quel point de vue
? Tout en distinguant deux types de chrétiens, Nietzsche tient
à se différencier de ceux qu'animerait un ressentiment personnel
:
« Si je fais la guerre au christianisme, j'en ai le droit uniquement
parce que je n'ai jamais rien vécu de chagrin ou de triste de
ce côté-là - au contraire, les êtres les plus
dignes d'estime que je connaisse ont été des chrétiens
authentiques, je ne garde pas le moins du monde rancune aux individus
de ce qui est fatalité millénaire. Mes ancêtres
mêmes étaient ecclésiastiques protestants : si je
n'avais pas reçu d'eux un sens élevé et pur, je
ne vois pas d'où me viendrait le droit de faire la guerre au
christianisme. Ma formule en l'occurrence : l'antichrétien même
est la logique nécessaire de l'évolution d'un chrétien
vrai, en moi le christianisme se surmonte lui-même ». (Fragments
posthumes, KGW, VIII, 3,24 [I] alinéa 6 )
Nietzsche, en vérité,
se soucie-t-il du christianisme en tant que tel pour le combattre ? Est-ce
au christianisme comme dogme, religion, théologie, foi, Écritures,
voire communauté religieuse la « chrétienté»
et domination intellectuelle et spirituelle, qu'il en veut expressément
? Ou bien le christianisme n'est-il pour lui que le prétexte (ou
le symbole) d'une autre cible, d'un autre adversaire plus omniprésent,
plus pérenne et plus universel - la « morale» ou la
« faiblesse », ou la « décadence » ? Quelque
chose qu'il appelle la « névrose religieuse », même
si celle-ci n'est pas spécifiquement chrétienne, même
si par exemple cette « morale » est empruntée à
un certain type de christianisme sans être vraiment d'origine christique.
A quoi et à qui Nietzsche en veut-il effectivement ? Quel est donc
le véritable enjeu de L'Antéchrist,
et de quoi, de qui - du Christ ou des chrétiens, de l'Anti-Christ
ou de l'anti-chrétien - y est-il question ? Il semblerait - c'est
l'opinion d'Eric Blondel - qu'il s'agisse de la question de la vérité
- ou plutôt en l'occurrence, du faux ! On ne se demandera pas simplement
avec lui : le christianisme est-il vrai, mais d'où provient-il
? Qui sont les fondateurs de l'Eglise romaine ?
Jésus prédisait aussi la venue de faux
prophètes, des imposteurs qui se réclameraient de lui. Pourquoi n’a-t-on
jamais identifié les antéchrists,
ces faux prophètes qui devaient venir avant les événements tragiques prédits
par Jésus ? Ces imposteurs sont appelés “antéchrist”
dans les épîtres de Jean tandis que dans l’Apocalypse, il est question
d’un “faux-apôtre”, et de “ceux qui se disent apôtres sans l’être et qui
ont été trouvés menteurs”.
Disons encore pour terminer sur ce sujet
que c’est la lecture in extenso des Épîtres, après
la lecture du livre des Actes, qui m'a mis la puce à l'oreille.
J’ai moi-même relevé beaucoup d’indices qui amènent à penser que Paul
(Saül de Tarse) est resté l’adversaire des apôtres, et il suffit
de comparer l’épître de Jacques aux épîtres de Paul pour se rendre compte
que c’est en réaction à l’attitude de Paul, cette “langue venimeuse”,
que Jacques l’a écrite. La polémique fait rage et divise la communauté,
causant la "guerre parmi les membres" de l’Église primitive. A l’origine
de ces querelles, il faut y voir l’uvre de l’Antéchrist.
Renan voyait en Néron
le personnage de l’Antéchrist, ce qui est manifestement une erreur :
César-Néron est à rapprocher de la “bête”, dans le Livre de l’Apocalypse,
laquelle ne peut être confondue avec l’Antéchrist ! De même que l’incendie
de Rome, en l’an 64, fut sans doute le fait des chrétiens et
de "ceux de la maison de César", les émules de Paul, et
non le fait de Néron, qui fut satanisé par les chrétiens.
Saul, dit Paul, finit décapité à cause de ses forfaits.
Le Livre, étant codé, n'était compréhensible
que par les Juifs. L'original fut-il inspiré par Jésus
à Jean ? Le Jugement de la “grande prostituée” de Babylone était-il
ce plan incendiaire contre Rome ? Ou bien faut-il voir dans cette Prostituée
l'Église de Rome depuis Constantin, comme le pensaient les Templiers
? Comprenne qui pourra : ce n’est plus bien clair à présent,
car il y a une refonte de plusieurs textes et on n'a plus l'original
! 
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