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La philosophie comme système de jugement

Le besoin de juger est fondamental dans la société civilisée.
A la base de la philosophie il y a le jugement.

Depuis Socrate, le mal n'est rien par rapport au bien, qui est tout, qui est dieu... "Le méchant se trompe" pense-t-il. Il a un mauvais jugement sur le bonheur tel qu'il le conçoit et nul n'est méchant volontairement, pour lui. Il faut corriger l'erreur, la vision qu'il a du bien.

Les philosophes ont fait les idiots : les agnostiques, les relativistes, ils ne savent rien. Les naturalistes, les athées, ils n'ont que la raison naturelle, la logique pour philosopher. Ils se prennent au jeu, s'amusent à établir un système. mais qu'ils soient sophistes, cyniques, sceptiques ou stoïques, ça n'avance guère. Même René Descartes fait l'idiot avec sa formule " Je pense donc je suis ." Reste à définir le "je" et à savoir ce que "penser" veut dire... Nietzsche a fait une critique de cette formule, dans Par delà bien et mal.

Donc, en fait, on en revient toujours au jugement de valeur. C'est la morale qui est au centre de la philosophie, et quelle sont les raisons invoquées ? - Le bien, le vrai, la paix, l'harmonie, la sérénité, la vérité, le bon droit, le bonheur, la pureté d'intention, la sainteté, ou bien la grandeur, la noblesse, chez Nietzsche, lequel est le seul qui a fait de la morale une question d'importance. (note 1).

Des philosophes ont écrit des traités sur l'entendement et Spinoza a d'abord écrit un essai, Réforme sur l'entendement, pour tenter de répondre aux questions : qui a raison ? qui se trompe ? Comment se forme le jugement ? C'est un des rares philosophes apprécié par Nietzsche.

Toute la philosophie est née sur le besoin de juger. Avoir un jugement sur toute chose. C'est pourquoi l'Ethique de Spinoza commence par un discours ontologique... mais finit par parler d'éthique.

Nietzsche, lui, invoque le "bon goût", "la vie", ou "la volonté de vie", ce qui est noble. Pour tout aristocrate, il faut être éduqué, cultivé, bien venu...

Les idées et les doctrines diffèrent. Chacun a son système de pensée philosophique. Mais on voit que toute philosophie et psychologie revient toujours à ceci : au jugement de valeur - donc à la morale, à l'éthique - et c'est ce qu'on demande à un philosophe, son opinion vaut jugement. Il doit avoir une conscience morale élevée, pure, pour faire autorité et il se doit d'être intègre, ses actes conformes à ce qu'il dit. Son engagement est total. Nietzsche dit qu'il écrit "avec son sang"... (évidemment, c'est une métaphore).

Les philosophes, effrayés par la cruauté, les horreurs, les malheurs et opposés au mal, ont nié le mal en expliquant que le Bien est au-dessus de tout, c'est l'Etre, c'est le Bon Dieu. Depuis Socrate, ils se sont fait les serviteurs du Bien pour lutter contre le mal.

Les philosophes ont introduit l'esprit de paradoxe. On peut penser que c'est se placer au-dessus de l'être que de juger l'être, et le non-être (paradoxe de Parménide). Cela est, mais c'est impensable... (note 2).

Mais Spinoza rajoute : « Le mal n'est rien parce que seul le bien fait l'être et l'agir.»

Et cela va faire réfléchir... "parce que le bien non plus n'est rien."... pourtant le mal existe bien. S'il n'y a ni bien ni mal, alors on peut faire le mal et le bien ; on peut faire tout et n'importe quoi ! En réponse à Spinoza, c'est par delà bien et mal que Nietzsche va disserter. "Ce n'est ni bien ni mal, c'est la réalité vraie !" Mais comme il est mal compris par tous, il va écrire dans La Généalogie de la Morale : "La morale est immonde, c'est une perversion" ! (note 3)
Par delà le bien et le mal
ne veut pas dire par delà le bon et le mauvais. Il y a donc aussi le bon et le mauvais pour Nietzsche. C'est la cloison arbitraire dressée entre l'ontologie et l'éthique. Mais en réalité, l'éthique est branchée directement sur l'ontologie : la vie dans l'être, car c'est elle qui est concernée.

La logique du paradoxe a conduit à un système, celui de Hegel, et on en sort grâce à Nietzsche, il n'y a plus de système en philosophie. Les nouveaux philosophes ne s'y risquent plus !

Après Nietzsche, ce n'est plus possible ! Il a brisé en deux l'histoire de la philosophie. (Cours de Gilles Deleuze).
Après Nietzsche, plus question de construire une doctrine philosophique en système
.

L'après Nietzsche de G. Colli suite du  prologue


Note 1. Nietzsche a beaucoup écrit sur la morale (La Généalogie de la Morale.- Aurore). On a même dit que c'est un moraliste. 

Note 2. "Le Bien est au-dessus de l'être car le Mal est impensable."
Pour Platon-Socrate, on ne peut penser le Mal, donc le mal n'est rien.
Paradoxe de Xénon d'Elée : On ne peut penser le mouvement, donc le mouvement n'est rien.
Paradoxe de Parménide : Considérant l'étant, «sans commencement, éternel, homogène, immuable, hors du temps, un, continu» et le non-être, il fut amené à se poser la délicate question de l'existence de ce dernier. Mais cette existence lui apparut comme impossible « car l'être est en effet, mais le néant n'est pas », ce qui induisit un paradoxe. Si le non-être est, l'être n'est pas. Donc le non-être n'est pas possible.
On ne peut penser le devenir, donc le devenir n'est rien. Le réel c'est ce qui est fixe, ce qui ne change pas. Les systèmes philosophiques sont des constructions arbitraires, maintenant dépassés.

Note 3. Par exemple, malgré tout ce qu'on en dit, la souffrance est une bonne chose, cela nous alerte que quelque chose va mal. De même, la douleur est un signal d'alerte, la mort est une très bonne chose, à un certain point.

 
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