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Essai sur l'origine du mal
Fils de pasteur, Nietzsche
a reçu une éducation chrétienne. Dès son plus
jeune âge, il perd son père et son petit frère. Ces
malheurs l'affectèrent profondément et l'ont conduit à
penser qu'au fond, s'il y a un Dieu tout-Puissant, c'est un Dieu cruel
et indifférent aux drames et malheurs humains. D'abord, ici-bas,
il n'y a pas de justice :
- Les inégalités existent dès la naissance. Certains
naissent handicapés, d'autres en très bonne santé
; certains dans une famille riche et un pays tempéré, d'autres
dans une famille pauvre et dans un pays désert à peine viable.
Les gens se querellent, se font la guerre, ils ne s'entendent pas.
- Des innocents souffrent de maladies, sont victimes de catastrophes naturelles,
sont exploités, maltraités; ils subissent la torture et
sont sujets à des injustices... mais les coupables s'en tirent
plutôt bien.
- Dieu est à l'origine de tout, il est donc autant à l'origine
du bien que du mal. Logique, puisque la réalité du mal ne
fait pas de doute chez les croyants. Pourquoi serait-il représentatif
du Bien, ce Dieu qu'on voudrait "juste et bon" ? D'ailleurs,
quoi qu'on dise, Dieu reste indifférent à tout le malheur
du monde, et l'on en est réduit à espérer une autre
vie ...au ciel.
Dieu est donc à
l'origine du mal. D'ailleurs, c'est écrit dans le Grand Livre :
«Dieu créa l'homme à son image», ni bon ni mauvais,
mais lorsque l'homme veut paraître bon, c'est qu'il a quelque chose
à se reprocher. Certains papes et Torquemada, ce grand Inquisiteur,
furent d'impitoyables criminels, mais ils n'ont pas souffert d'être
brûlés vifs, eux. «Qui veut faire l'ange fait la
bête» (Blaise Pascal).
C'est à peu
près ce qu'écrivait Nietzsche dans son premier essai, qui,
semble-t-il, n'a jamais été publié (? !)
Comme chacun sait, Voltaire a répliqué que «si Dieu
créa l'homme à son image, l'homme le lui a bien rendu».
En réalité, c'est l'homme qui a créé Dieu,
il l'a imaginé à son image (antropomorphisme), et tel que
son désir de perfection le fait imaginer. C'est la thèse
de L. Fueurbach : croire en Dieu est le signe d'une aliénation
de l'homme qui, conscient de ses imperfections, les projette sur Dieu
(Dieu tout puissant, son infinie bonté, sa sagesse éternelle,
le créateur de toutes choses, etc.). Les déterminations
divines sont les déterminations humaines absolutisées. «
L'homme est appauvri de ce dont Dieu est enrichi ». L'homme est
donc dépouillé de sa vraie nature, rendu étranger
à lui-même, c'est-à-dire, au sens propre, aliéné.
« Autrefois, et à cause de la bêtise dans la passion,
au lieu de penser à la spiritualisation de la passion, on faisait
la guerre à la passion elle-même. « Il faut tuer les passions
». Détruire les passions et les désirs seulement à
cause de leur bêtise, et pour prévenir des suites désagréables
des bêtises, cela ne nous paraît être aujourd'hui
qu'une forme aiguë de la bêtise. Nous n'admirons plus les
dentistes qui arrachent les dents pour qu'elles ne fassent plus mal.»
(Nietzsche, Le Crépuscule des Idoles)
Nietzsche
n'a construit aucun système, il a plutôt été
celui qui a mis fin à cette manie d'élaborer des doctrines
boiteuses ou de les ériger en système philosophique, comme
Hegel. "Mal penser c'est rendre mauvais",
conclut Nietzsche. Sa pensée se situe par delà le bien et
le mal. Le rôle de l'Église dans la chasse aux sorcières
est assez bien décrit dans La Sorcière, livre
écrit par Jules Michelet.
C'est Chateaubriant
qui a parlé du “vague à l'âme”,
mélancolie chrétienne...
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