Sommaire

 Friedrich étudiant  en 1861

Nietzsche et la musique

« Sans musique la vie serait une erreur » Crépuscule des idoles, Maximes et pointes, § 33.

Est-il possible de comprendre la philosophie de Nietzsche sans la musique ? Sa musique, en créateur de nouvelles valeurs, en artiste et en rhétoricien, il la compose pour nous ! Dès La Naissance de la Tragédie dans le génie de la musique, il y a de la métaphore dans l'air ! Justement, c'est pour déployer sa verve contre la morale chrétienne qu'il fait appel à Dionysos et qu'il compose sa "musique nouvelle pour des oreilles neuves". Il s'identifie à Wagner et écrira même contre Wagner, le musicien - Le Cas Wagner sera suivi de Nietzsche contre Wagner - car il souffre, en effet, de voir que la musique de Wagner a perdu le pouvoir de transfigurer le monde, de dire oui au monde, qu'elle est devenue musique de décadence et non plus "flûte de Dionysos". Wagner était devenu un décadent, un homme pieux !
Derrière le prosateur, on retrouve donc le musicien. Car il y a un vrai travail de finition et les personnes sensibles à la musique sont aussi sensibles à la musicalité de ses textes, à son style. Nietzsche a le soucis du rythme, de la respiration. C'est une des plus belles proses allemandes.
La musique est un art, elle résonne en nous comme le chant des Muses, c'est un niveau de communication élevé, aérien. Influencé par l'œuvre de Schopenhauer, Nietzsche conçoit la philosophie comme art, non comme science, l'art d'interpréter et, tel un musicien, Nietzsche interprète ce qu'il ressent ; sur la vérité, il donne une formule de musicien : « Il n'y a pas de vérité ; il n'y a que des interprétations ». Et même des interprétations d'interprétations, bien souvent, avec le savoir livresque. "Tout est représentation" selon Nietzsche, et celui qui prétend à la vérité ment. Alors, la métaphysique, la théologie serait-ce l'art du mensonge ? Tromper, à condition de ne pas nuire : voilà bien le rôle de l'intellect, à grand renfort d'imagination. C'est courant dans l'art du spectacle, de la rédaction des mythes... et dans le théâtre, en particulier. Tragédie musicale et opéra ; cela fait vibrer l'âme depuis la nuit des temps.
« Nietzsche a été baigné dans la musique dès son plus jeune âge. Très jeune, en pleine crise religieuse, cherchant un échappatoire entre savoir et croyance, Nietzsche voit dans la musique une 3ième voie. Ayant reçu une bonne éducation avec des leçons de solfège et de piano, il a composé des poèmes, "paroles et musique".
« Malgré certains jugements très injustes sur sa musique, Nietzsche était bon musicien, il jouait bien du piano et il est l'auteur de bons morceaux. Il a continué à jouer après l'effondrement de 1889. A Iena par exemple, il se rendait dans un restaurant et on le laissait jouer, improviser deux heures tous les jours. Il a toujours joué du piano et, en particulier, du Wagner. Nietzsche a commencé à composer très tôt, dès ses années de lycée : ébauches d'un requiem (sans doute inspiré de Mozart), d'une messe, d'un oratorio de Noël, d'un très beau miserere qu'il a dû composer sous l'influence de Palestrina. Il y a de très belles pièces pour piano, une quinzaine de lieder, des ébauches symphoniques qui, allant bien au-delà de ce qu'on faisait de son temps, annoncent Richard Strauss. Nietzsche travaillait des impressions qu'il recueillait à l'écoute des autres, comme s'il discutait avec ceux qui pouvaient sentir comme lui. Ainsi, avec Beethoven ou Chopin.» C'est ce que dit Paul Janz, auteur du catalogue des œuvres musicales de Nietzsche, et à cela il ajoute :
« La plupart de ses compositions musicales datent de ses années d'études, avant donc ses années de philosophe. Ses premières compositions épousent le style romantique de son temps ; elles témoignent de l'influence de Schumann. Plus tard, dans cette grande composition qu'est la Fantaisie pour piano, Nietzsche cite tout à fait consciemment le Siegfried-Idyll de Wagner. Si Nietzsche est un musicien romantique, comme philosophe, il cherche à surmonter le romantisme. Être resté romantique, c'est un des reproches qu'il adresse à Wagner. Nietzsche refusait le type de développement que l'on trouve chez Wagner. Il leur préférait des morceaux plus ciselés, parfaits, fermés sur eux-mêmes et bien identifiés comme on en trouve dans les opéras de Mozart, dans la Carmen de Bizet ou chez Liszt. Nietzsche s'est essayé à de grandes compositions, qui ne sont pas du tout influencées par Wagner. On a un amusant morceau pour piano, qui se développe pour brusquement se transformer en une sonate de Beethoven, qu'il appréciait particulièrement et qu'il a beaucoup joué, avec Chopin. » (cf. Nietzsche et la musique, Magazine littéraire n° 298 - avril 1992)

Le monde comme volonté et représentation, de Schopenhauer

© Magazine littéraire - 40, rue des Saints Pères 75 007 Paris - France

Suite
 
IDDN Certificat