L'ironie chez Nietzsche
Évidemment, le titre du site est
ironique, comprenez-le bien. C'est comme Nietzsche qui, en écrivant
sous le nom de Zarathoustra, fait l'opposé du Zarathoustra historique.
Quelle ironie ! Encore faut-il être cultivé ou initié
: qui de nos jours connait la clé du gai savoir
?
« De telles choses n'atteignent que l'élite des élus
; ici, c'est un privilège sans égal qu'être auditeur;
il n'est pas donné à tout le monde d'avoir des oreilles
qu'exige Zarathoustra.» (Nietzsche, Ecce Homo)
De plus, Nietzsche ironise souvent en reprenant les termes chrétiens
ou des formules du Nouveau Testament. Les chrétiens ne sont pas
de bonne foi, dit-il. Un chapitre de son Zarathoustra reprend la farce
qui consistait à ridiculiser les ecclésiastiques dans la
fête de l'âne. Les fidèles suivaient
en ânonnant un chapelet de prières incompréhensibles.
Quels ânes ! Donc, l'ironie est une des figures de rhétorique
les plus utilisées par Nietzsche.
Quand on écrit,
on ne peut y mettre le ton ni accompagner son discours de gestes, d'effet
oratoires. Alors, certains artifices de style
sont nécessaires, et pour que le texte soit vivant, il faut appuyer
son propos comme on peut, imposer un rythme. On
a compris que la rhétorique n'a pas de secret
pour Nietzsche et qu'il en use à envie: hyperbole, paradoxe, ironie...
Nietzsche a un regard
neuf, il a de l'esprit et use de figures métaphoriques. Voici celle
inspirée par Schopenhauer :
« En admettant que la vérité
soit femme, n'y aurait-il pas quelque vraisemblance à affirmer
que les philosophes, dès qu'ils sont dogmatiques, ne savent pas
s'y prendre avec les femmes ? »
Et voici sa réplique
à la fameuse phrase de Pascal :
«Peut-être la nature est-elle une femme qui a des raisons de
ne pas se laisser voir ses raisons.»
La
citation en exergue sur la page d'accueil est un montage de deux phrases,
l'une extraite de Zarathoustra :
« A vous ivres d'énigmes, amant du demi-jour, dont l'âme
est attirée par le son des flûtes dans tous les gouffres
trompeurs. » (De la vision et de l'énigme),
l'autre de Ecce homo :
« Je suis un messager de bonne nouvelle comme il n'en fut jamais.
Ce n'est qu'à partir de moi qu'il est à nouveau des espérances. » (Pourquoi
je suis un destin)
Et Nietzsche a écrit le livre L'Antéchrist «à de très
rares élus». Mais cela a trait à son goût pour la noblesse
aristocratique. L'aristocratie étant le régime où
les meilleurs dominent et gouvernent.
Alors, quelle est
la bonne nouvelle ?
« Voici ; je suis l'annonciateur de la foudre, je suis une lourde goutte
tombée de la nue ; mais cette foudre, c'est le
surhumain.»
Mais si ce type d'homme
parfaitement immoral est vu par Nietzsche comme un César Borgia
plutôt qu'un Parsifal, un génie ou un
saint... cela donne beaucoup à réfléchir, en
effet, comme il le fait remarquer dans Ecce Homo....
« Peut-être suis-je un pitre ? » N'était-il
qu'un Sophiste ?
* Rhétorique. Pour ceux qui ne connaissent
pas les procédés littéraires, la rhétorique
et les figures de style, voir dans le dictionnaire.  |