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Recherches sur les origines du christianisme
De la prétendue historicité de Jésus-Christ
Introduction
De par le monde, au cours des
siècles, quantité d'ouvrages ont été écrits autour du phénomène religieux
judéo-chrétien, du christianisme, et sur son fondateur mythique, sa mission,
et de son influence sur la civilisation et la culture en Occident. En
particulier, des volumes entiers ont été composés spéculant sur la personnalité
et l'historicité de la principale figure des religions chrétiennes occidentales,
Jésus. Nombre d'auteurs se sont efforcés d'éprouver le besoin, malgré
le nombre extrêmement réduit de témoignages autour de la personnalité
de Jésus, d'en rajouter et de forger une esquisse biographique imaginaire
au soutien de leur foi, ou révélant un Jésus plus humain, un « homme
fait dieu ». Le plus connu, Ernest RENAN, auteur de l'Histoire
des origines du christianisme, (Calmann-Lévy, 1899, 8 vol.) dont
le tome I contient la célèbre Vie de Jésus, constamment
rééditée. Pourtant c'est la suite de cette histoire qui nous intrigue
le plus : Paul et Barnabé, accompagné d'évangélistes,
allèrent en mission convertir les païens à Antioche,
et c'est là qu'est née la religion chrétienne. Avaient-ils
un mandat des apôtres pour cette mission ? Les dogmes chrétiens
se retrouvent dans ses épîtres (Nouveau Testament).
Renan distingue deux Églises, celle d'Antioche et celle de Jérusalem.
"Ce fut Antioche, la ville de Paul et Barnabé, qui fournit
les capitaux de la fondation du christianisme. Paul a repris aux anciens
cultes en décrépitude l'essentiel de leurs rites et les
a assorti à son message pour fonder sa religion, la secte qui s'établit
à Rome". Renan relate le siège et la chute de Jérusalem
en l'an 70 : la grande cité fut détruite par l'incendie
et Flavius Josèphe a relaté l'extermination des Juifs et
leur exil forcé. La révolte des Juifs a sans doute dispersé
les disciples de Jérusalem.
Au XVIIe siècle,
les Philosophes des Lumières avaient l'esprit plus critique qu'aujourd'hui.
Voltaire fait état des infamies chrétiennes dans
son Dictionnaire
Philosophique, rubriques Christianisme,
Paul, Résurrection... (Folio classique, Gallimard). Ce livre
de Voltaire le démontre, les preuves historiques sont de fausses
allégations d'une époque révolue où les épistoliers
chrétiens ajoutaient des extrapolations au Nouveau Testament
pour faire croire à des preuves historiques. Ce ne sont donc que
des "fables pieuses" écrites par des croyants pour faire passer
leurs idéaux moraux. Le Jésus des évangiles n'a jamais existé
que sur le papier, les originaux ont disparu et nos textes datent de quatre
siècles après J-C, remaniés par St Jérôme
! L'évangile selon Matthieu est peut-être le plus authentique,
il proviendrait d'une autre source. Des épîtres sont attribués
à Saul, un factionnaire, un pharisien, un apostat, lequel se déclare
le ministre de l'Église chrétienne (Épitres de
St Paul) ou à ses disciples (Luc, Silas), qui n'ont pas connu
Jésus. D'autres sont attribués à Jacques, et à
Jean, Jude... ils révèlent de graves dissensions au sein
de la communauté des disciples et Paul, fondateur de l'Église
chrétienne à Antioche, mais dénoncé comme
«faux apôtre» (L'Apocalypse selon st Jean).
Les philologues allemands du
XIXe siècle, de Reimarus à Rudolf Bultmann, eux
aussi, ont démontré que la valeur historique des évangiles était
bien mince.
- Le Philosophe allemand Ludwig FEUERBACH exposa une interprétation
psychologique de la religion et développa une des premières
doctrines matérialistes. Dans son ouvrage capital, L'Essence
du Christianisme (1841), il soutenait que la religion correspond
à un besoin psychologique : la préoccupation essentielle
de l'individu étant le moi, le culte de Dieu est en réalité
un culte du moi idéalisé. Ce qu'il n'est pas, il le projette
en une image sublimée, lui donne forme puis existence : c'est ainsi
qu'il se fabrique un Dieu parfait, juste, infini, omnipotent. Le culte
est instauré par les prêtres sur une pure création
de l'esprit. D'où l'aliénation à une volonté
supérieure. En langue française, on pourra se reporter d'abord
à :
- STRAUSS David Friedrich, sa Vie de Jésus offre un “Examen
critique de son histoire”, Ladrange. Trad. de l'allemand sur la
2e éd. par E. Littré, 3e éd., 2 vol. in-8, XXXVI
- 706 et 727 p. Il se permet d'affirmer que rien ne permettait plus de
croire à l'existence historique de Jésus-Christ.
- BULTMANN R., Histoire de la tradition synoptique, Le Seuil,
1973. Les controverses commencent dès l'arrivée de Saul-Paul,
les schismes avec la doctrine de Mani et le Concile
de Nicée (325) tente de régler l'affaire, puis une vingtaine
de conciles.
- AUGSTEIN Rudolf, Jésus Fils de l'Homme. Traduit de l'allemand
par Michel-François Demet, Gallimard, 1975, 389 pages.
Ce dernier livre présente l'intérêt
de soulever les véritables questions: "De quel droit les Églises
chrétiennes invoquent-elles un Jésus qui n'a peut-être pas existé, des
doctrines qu'il n'a pas enseignées, une toute-puissance qu'il n'a pas
lui-même tenue pour possible et qu'il n'a pas accordée, une condition
divine qu'il n'a pas revendiquée ?" (contradictions flagrantes dans le
Nouveau Testament); quoique l'auteur ait fait le choix de s'en tenir à
la vue la plus communément répandue, celle de l'historicité de Jésus-Christ,
l'argument étant qu'il a bien fallu un homme auquel les petites gens qui
l'entouraient attribuaient des qualités particulières et qui connut une
fin tragique, sans quoi l'"immense élan du christianisme primitif" eût
été incompréhensible, il admet cependant l'existence de ce «noyau personnel»
constitué, comme chacun sait, par le paulinisme
(p. 26).
En quoi ces questions peuvent-elles
bien nous importer ? "Elles nous importeront, répond R. Augstein, aussi
longtemps que les Églises prétendront intervenir dans les choses
de la vie humaine au nom d'une autorité surhumaine. Divorce, contraception,
avortement, peine de mort, euthanasie, guerre atomique : tous ces problèmes
d'une réalité brûlante devraient se trancher du point de vue absolu d'un
maître divin dont la réalité est aujourd'hui mise en doute par les théologiens
eux-mêmes ! Mais ceux-ci n'accomplissent ce travail critique qu'en milieu
fermé, avec une discrétion qui touche à la dissimulation." (4e de couverture).
Et, on ne peut dès lors que mieux comprendre cette déclaration du pape
Paul VI, citée p. 10: «Dieu n'a pas livré les Saintes Écritures
aux gens cultivés pour qu'ils en jugent eux-mêmes, mais à son Église».
«L'institution qu'est l'Église ne peut se maintenir que si
elle affirme son droit à imposer aux hommes sa discipline: et comment
le pourrait-elle sans que ce droit vienne d'en haut ?» (ibid.).
En réalité, on peut penser que ce que craint d'abord l'Église serait
bien davantage à terme la remise en cause de sa prétention à exercer une
influence dans la société, du baptème au mariage. «La seule
chose qui n'existe pas, c'est un point de vue absolu qu'un maître divin
aurait livré aux Églises pour qu'elles l'appliquent, le comment
et le développement. La clef du ciel est dans la lune, c'est un rêve.»
(Ibid.)
Et on peut encore estimer, comme
l'affirmait C.-G. Jung, que le véritable problème de l'homme actuel est
bien, au-delà des difficultés propres et particulières à chacun, la question
religieuse : «nul n'est véritablement guéri, s'il n'a retrouvé son attitude
de penseur libre, attitude adulte qui ne consiste pas, bien entendu, dans
le fait d'appartenir à une Église ou confession particulière.»
Ce serait même tout le contraire : la religion comme «sentiment de la
dépendance absolue» (Schleiermacher) repose sur l'exploitation
de la crédibilité des masses. Relation au mythe.
Cf. aussi :
- OTTO Walter F., Essais sur le mythe, T.E.R., 1987, VIII-76
p. Traduit de l'allemand par P. David.
- Cahiers de l'Herne, Jung (Carl Gustav), 1984, 515 p. Les articles rassemblés
dans les parties titrées: «La voie de Jung» et «Jung et la divinité» forment
un tout : Jung et la Religion à télécharger
(format ZIP)
Historiquement, comme d'un point
de vue psychogénétique, on peut penser que le soi sera d'abord projeté
avant d'être reconnu du sujet dans les thèmes mythologiques et théologiques
fournis par la culture, et qu'elle ré-élabore sans cesse
: d'où l'idée de cette divinité unique; des multiples figures d'Anthropos,
l'homme divin des gnostiques,
le Fils de l'Homme des textes bibliques tout aussi bien que la figure
de Purusha du Rig Veda (W. Bousset, Principaux problèmes de la gnose,
1907), correspondant à l'acte individuel de libération de l'imaginaire;
ou encore de l'Incarnation, thème auquel correspondrait vraisemblablement
l'irruption d'une impulsion non primitivement reconnue comme telle à l'origine
d'une production de sens pour le sujet.
La polémique
En dépit de toute cette littérature
produite de manière ininterrompue et du nombre des esprits inféodés aux
religions instituées, le grand public souffre d'un manque sérieux de culture
et d'information sur les thèmes mythologiques et religieux, la plupart
des individus étant sous-informés de ces questions. Pour ce qui est du
christianisme, on continue par exemple à enseigner à beaucoup dans les
écoles et Églises que Jésus-Christ aurait été une figure historique réelle,
et que la seule polémique dont il ferait l'objet résiderait en ce que
certains le reçoivent en tant que fils de Dieu, prophète ou Messie, alors
que d'autres non. Toutefois, alors même qu'il s'agirait du débat le plus
vif aujourd'hui en ce domaine, il est loin d'être le plus important. La
question qui importe le plus serait bien plutôt celle de savoir si un
individu du nom de Jésus a réellement existé.
- Néanmoins, dans les années 80, la polémique a de nouveau rebondi dans
les pays anglo-saxons à l'occasion de la publication des ouvrages de G.
A. Wells, Jésus a-t-il existé ? et Les preuves historiques
de l'affaire Jésus, tous deux s'efforçant d'établir que Jésus
est une figure n'ayant rien d'historique. Une tentative de nier les thèses
de Wells fut entreprise par Ian Wilson dans Jésus: Les preuves,
un ouvrage de plus pour tenter de démontrer que Jésus aurait réellement
existé. Un chapitre de ce dernier livre est intitulé: « Jésus a-t-il seulement
existé ? », ce qui déjà en soi suffirait à semer un doute jusque là ignoré
de l'esprit du lecteur. Il conviendrait de noter de surcroît qu'un tel
ouvrage ne serait aucunement indispensable si l'historicité prétendue
de Jésus correspondait à un fait établi et reçu de tous. Or, «il n'y a
pas de faits historiquement établis, il n'y a que des interprétations»,
a fait remarquer Nietzsche.
- Quoique l'objet d'un tel débat n'apparaisse pas ordinairement dans les
ouvrages les plus largement diffusés, en approfondissant la question,
on peut aisément découvrir un grand nombre de travaux établissant sans
contestation possible, rigoureusement et de la manière la plus fine, que
la figure de Jésus correspond clairement à un thème mythologique, celui
des divinités humanisées grecques, romaines, égyptiennes, sumériennes,
phéniciennes, indiennes, toutes actuellement reçues pour des figures
mythiques, et rien d'autre. Les récits évangéliques ne peuvent être
en aucun cas tenus pour des relations historiques en rapport avec un fils
de charpentier rebelle juif qui aurait eu une existence réelle en Orient
il y a deux millénaires. En d'autres termes, ce qui a été à maintes reprises
établi au cours des siècles, la figure de Jésus a été forgée de toutes
pièces par des disciples beaux-parleurs enthousiastes et ne correspond
en rien à une quelconque existence historiquement avérée (création
du mythe).
- On sait qu'on désigne par ailleurs par évhémérisme la tentation de retrouver
un fond historique réel sous les récits mythiques, du nom d'Evhémère,
cet érudit grec qui, au IVe siècle avant J.-C.,
a émis l'idée que, plutôt que d'être des personnages mythiques, les dieux
des anciens auraient été à l'origine des êtres humains, princes, rois
ou héros, dont les exploits auraient été déifiés par l'admiration des
peuples.
Histoire et position de la question
Une telle polémique a existé
dès le commencement du christianisme, et les écrits des «pères de l'Église»
eux-mêmes indiquent suffisamment qu'ils s'étaient constamment trouvés
dans la nécessité de défendre ce que l'intelligentsia « païenne » regardait
comme une fable absurde et forgée de toutes pièces sans le moindre commencement
de preuve historique. Du point de vue des non-chrétiens, le Nouveau Testament
pouvait être légitimement qualifié d'ensemble de «fictions d'évangile»
- titre d'un ouvrage de Randel Helms, Fictions d'Évangile.
- Un exemple parmi d'autres, certainement le mieux connu : Celse. - ROUGIER
Louis, Celse ou Le conflit de la civilisation antique
et du christianisme primitif, éd. du Siècle, coll. Les Maîtres
de la pensée antichrétienne, 1925, XXXIII-440 p.- où l'auteur
s'est attaché à la reconstitution du Discours vrai de Celse,
la faisant précéder d'une importante introduction, à partir des fragments
et des résumés conservés par Origène. Celse y défendait le point de vue
de la critique éclairée, contre l'esprit de secte qui était indiscutablement
celui du christianisme à ses origines. Lempereur Julien, qualifié
d'apostat par l'Eglise, succédant aux empereurs "chrétiens"
constantiniens, réautorisa les cultes païens, et affirma :
"Si quelquun veut savoir la vérité en ce qui
vous concerne, chrétiens, il saura que votre impiété
est partiellement constituée de laudace juive, et aussi de
lindifférence et du sens de la confusion des Gentils, et
que vous avez mélangé non pas leurs meilleures, mais leurs
pires caractéristiques." Une fois mort, c'est l'Église
de Rome qui s'imposa et les historiens chrétiens n'ont pas eu beaucoup
de contradicteurs pendant les 15 siècles de domination religieuse
en Europe, avec l'aide de l'inquisition et des
autodafés.
Au siècle dernier, Albert Churchward
soutenait déjà que «Les Évangiles canoniques peuvent apparaître comme
une collection d'affirmations tirées des mythes et de l'eschatologie des
égyptiens» - L'origine et l'évolution de la religion, par Albert
Churchward, p. 394.- Dans Contrefaçons dans le
christianisme, Joseph Wheless affirme que «Les Évangiles sont tous
des contrefaçons sacerdotales postérieures d'un siècle à leurs dates alléguées.»
- Contrefaçons dans le christianisme, par J. Wheless, p. XVIII.-
A la recherche du Jésus historique, le docteur Albert Schweitzer
a conclu en 1906 à l'impossibilité d'appréhender
la réalité du Jésus historique tel que décrit
dans les évangiles ; c'est une «fraude de la tradition» élaborée
au second siècle avec force dogmes. - Le Secret historique de la vie
de Jésus, Albin Michel, 1961.- La contrefaçon dont faisaient
l'objet les textes de référence durant les deux premiers siècles d'existence
de l'Église chrétienne était à ce point effrénée et communément répandue
qu'une nouvelle expression fut inventée pour la décrire, celle de «fraude
pieuse». Les auteurs de certains Évangiles et épîtres «apocryphes»
ayant fleuri durant les deux premiers siècles de notre ère ont même admis
avoir forgé de toutes pièces de tels documents (Wheless, op. cit.). Une
telle tromperie est par ailleurs maintes fois tenue pour légitime par
l'Encyclopédie Catholique (ibid.). Certains des plus «grands» des
pères de l'Église, tels qu'Eusèbe de Césarée, saint Iréné
ou saint Jérôme, ont été reconnus par leurs propres pairs
comme d'incroyables menteurs ayant régulièrement conté leurs propres fictions
sur ce que «le Seigneur» aurait dit et fait pendant «Son» séjour allégué
parmi les hommes.
[La version originale de ces pages est
de S Acharya, mais les voici
améliorées et enrichies de données récentes
(après les retouches de Serge Zarjac).]
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